A J-2 du vote de confiance, les jeux semblent faits: François Bayrou a poursuivi samedi son marathon médiatique, sans avoir réussi jusqu'ici à trouver les arguments pour éviter une défaite, et tous les regards se tournent déjà sur les jours d'après. Omniprésent dans les médias depuis qu'il a annoncé le 25 août, à la surprise générale, qu'il se soumettrait à un vote de confiance, le Premier ministre était encore l'invité samedi soir de «C à vous» sur France 5.
Pour y matraquer à nouveau son message sur l'urgence face au «surendettement» de la France, et de l'ampleur de l'effort budgétaire à consentir, qu'il a chiffré à 44 milliards d'euros pour 2026. «Je prends toutes les occasions pour faire face à cette fatalité», a-t-il expliqué.
«Il faudra bien trouver quelqu'un d'autre»
Dimanche midi, il répondra au média en ligne Brut. Dernier entretien avant le moment de vérité: lundi, le Premier ministre centriste, allié historique d'Emmanuel Macron, engagera devant l'Assemblée nationale la responsabilité de son gouvernement. Et sauf énorme surprise, il devrait être emporté par la convergence des votes contre des oppositions quasi unanimes, de gauche et d'extrême droite.
Il fait encore mine d'y croire, «peut être une naïveté de (sa) part». Mais déjà, il entérine son départ forcé, après moins de neuf mois à Matignon. «Il faudra bien trouver quelqu'un d'autre de toute façon», a-t-il reconnu, brossant volontiers le portrait de son successeur idéal: «Quelqu'un qui peut rassembler, qui peut faire venir autour de la table des gens de droite, du centre, de gauche et qui peut leur donner un cap suffisamment clair pour que le combat que nous avons mené (...) soit porté, poursuivi et si possible imposé».
Une personnalité capable aussi d'éviter un risque d'emballement des marchés financiers en cas d'impasse politique, sur fond de colère sociale, dès mercredi avec le mouvement «Bloquons tout», suivi d'une mobilisation syndicale le 18 septembre.
Pas de «chèque en blanc»
Jusqu'ici, ce plaidoyer aux airs de chant du cygne n'a eu aucun effet sur la classe politique, qui pense déjà à l'après. Le sujet a largement occupé le congrès des Républicains, qui font leur rentrée ce week-end à Port-Marly, dans les Yvelines. Avec l'espoir d'afficher une image d'unité, après la cacophonie des derniers jours. Le chef des députés LR Laurent Wauquiez a en effet semé le trouble jeudi en assurant que son groupe, au nom de la stabilité, ne censurerait pas a priori un gouvernement mené par le Parti socialiste, poussant Bruno Retailleau, patron de la droite, à le corriger en prévenant qu'il ne donnerait pas de «chèque en blanc» aux socialistes.
«Si la gauche est à Matignon, la droite sera dans l'opposition», a affirmé samedi le secrétaire général du parti, Othman Nasrou. Le ministre de l'Intérieur, qui appelle ses troupes à voter la confiance, prononcera un discours dimanche. Quelques heures avant, la dirigeante du Rassemblement national Marine Le Pen fera sa rentrée politique dans son fief d'Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. Elle devrait réitérer la demande d'une nouvelle dissolution au nom de l'extrême droite, qui dit pouvoir être en mesure de gouverner en cas de législatives anticipées.
«L'heure est au combat»
A défaut, l'extrême droite souhaite la démission d'Emmanuel Macron, réclamée avec insistance également par La France insoumise, à l'autre bout de l'échiquier politique. «Seule la présidentielle peut clarifier» la situation, a tonné Jean-Luc Mélenchon depuis la braderie de Lille, confirmant que les députés LFI s'apprêtent à déposer une nouvelle «motion de destitution» du chef de l'Etat. Hors de question pour le triple candidat à l'élection suprême d'envisager un autre scénario: «Nous ne sommes candidats à aucune autre place, sinon à la première pour tout changer».
Dès lundi soir, la balle sera donc dans le camp du chef de l'Etat, qui bat lui aussi des records d'impopularité. Pour l'instant, il a plaidé la «mobilisation» de son camp en faveur du Premier ministre, et prôné «responsabilité» et «stabilité». En public, il a refusé d'évoquer l'après-Bayrou avant l'heure, mais dans le huis clos de l'Elysée, il a demandé aux chefs du camp gouvernemental de «travailler avec les socialistes».
Jusqu'à envisager de nommer leur chef Olivier Faure à Matignon, alors que le PS fait ouvertement acte de candidature ? Les spéculations vont bon train, mais peu, dans l'entourage du président, imaginent ce scénario. «Il va avoir besoin d'un petit peu de rapport de force (...) pour comprendre» que «le prochain gouvernement sera de gauche et écologiste ou ne sera pas», a néanmoins affirmé la patronne des Verts, Marine Tondelier. Depuis la Corrèze, François Hollande a, pour sa part, assuré qu'il ne convoitait pas Matignon, relevant que «le grand rendez-vous sera 2027».