Emmanuel Macron préside mercredi midi un hommage national à Robert Badinter, un «sage» et une «conscience républicaine», sur la place Vendôme, siège du ministère de la Justice où l'ancien garde des Sceaux socialiste porta l'abolition de la peine de mort.
Le chef de l'Etat a promis de s'exprimer, dans son discours, sur une éventuelle entrée de l'avocat, décédé la semaine dernière à l'âge de 95 ans, au Panthéon, ce temple républicain qui proclame sur son fronton «Aux grands hommes, la patrie reconnaissante».
Et Robert Badinter était bien «un grand homme», a acquiescé dès vendredi le président après l'annonce de la mort de l'ancien ministre (1981-1986).
«Ces choses-là prennent du temps», a-t-il toutefois souligné. «C'est d’abord à la famille, en liberté, de prendre le temps qu'elle jugera nécessaire pour se prononcer», a expliqué mardi l'entourage d'Emmanuel Macron.
Des milliers de personnes à la place Vendôme
Le premier secrétaire du PS Olivier Faure en a fait officiellement la demande au chef de l'Etat. «C'est légitime» car au Panthéon ce sont «les grands hommes qui ont porté de grandes idées», a estimé mercredi sur france info le président du Conseil Constitutionnel Laurent Fabius, fonction occupée par Robert Badinter de 1986 à 1995.
L'Elysée, en concertation avec la famille, a choisi un lieu symbolique pour saluer la mémoire de Robert Badinter: la place Vendôme, devant la chancellerie, où plusieurs milliers de personnes sont venues depuis samedi lui rendre hommage.
Un portrait géant de Robert Badinter a été installé devant le ministère.
C'est là que le ministre de François Mitterrand rédigea la loi abolissant la peine de mort, dans une France alors majoritairement en faveur du châtiment suprême.
«J'ai l'honneur de demander, au nom du gouvernement de la République, l'abolition de la peine de mort en France»: la première phrase de son discours à la tribune de l'Assemblée nationale le 17 septembre 1981 est restée dans l'Histoire, «un moment immense dans sa vie».
Il s'investit par la suite pour l'abolition universelle de la peine capitale, un combat qu'Emmanuel Macron dit aujourd'hui vouloir perpétuer, en accueillant en 2026 en France le prochain congrès mondial de cette cause.
Polémique avec LFI
Mais le rendez-vous solennel de mercredi a lieu sur fond de polémique.
La philosophe Elisabeth Badinter, sa veuve, a en effet exprimé le souhait que les élus du Rassemblement national et de La France insoumise ne viennent pas à la cérémonie.
«On ne sera pas présents, la famille ne l'a pas souhaité. Je ne vais pas polémiquer», a aussitôt répondu Marine Le Pen qui, à l'instar des autres dirigeants d'extrême droite, s'en était tenue au service minimum pour saluer cette figure longtemps honnie à droite pour avoir aboli la peine de mort.
Réaction inverse pour LFI qui sera représenté par ses députés Caroline Fiat et Eric Coquerel. «C'est un hommage national, je n'ai pas envie de polémiquer», s'est agacé à son arrivée le député insoumis de Seine-Saint-Denis.
Leur présence est «indécente», a réagi l'ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls.
Pourfendeuse des extrêmes comme son mari, Elisabeth Badinter a toujours combattu le Front national puis le RN, mais a aussi plus récemment dénoncé un certain «islamo-gauchisme» et pointé la responsabilité «énorme» de LFI dans la montée de l'antisémitisme en France.
L'honneur des avocats
Robert Badinter, né dans une famille juive émigrée de Bessarabie (l'actuelle Moldavie), avait été témoin de l'arrestation de son père à Lyon pendant la Seconde Guerre mondiale. Il était mort en déportation en Pologne.
Son combat contre la peine de mort trouve son origine au matin du 28 novembre 1972: un de ses clients, Roger Bontems, complice d'une prise d'otages meurtrière, vient d'être guillotiné.
«Je me suis juré, en quittant la cour de la Santé ce matin-là à l'aube, que toute ma vie je combattrais la peine de mort», avait-il déclaré à l'AFP en 2021.
«Grand humaniste héritier des Lumières», Robert Badinter «porta la loi accordant le droit de recours individuel devant la Cour européenne des droits de l’homme, s’engagea également résolument en faveur de l’égalité des droits des personnes homosexuelles, du renforcement des droits des victimes ou bien encore du développement des droits des personnes détenues», a rappelé mercredi le Conseil supérieur de la magistrature dans un communiqué.
Pour l'ancien avocat Henri Leclerc, président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), Robert Badinter «a été l'honneur de notre robe» et est «resté avocat» jusqu'à la fin de sa vie. «La dernière fois que nous sommes parlés, nous n'avons parlé que d'une chose: de la surpopulation pénitentiaire, de l'horreur des prisons», a-t-il témoigné.
(AFP/ATS)