Un chiffre bien éloigné de la réalité. Et un Premier ministre français qui doit, avant tout, éviter de heurter les formations politiques prêtes à le laisser gouverner. 40 milliards d’euros d’économies budgétaires doivent être trouvés en France en 2026, selon le chef du gouvernement centriste François Bayrou qui a présidé, mardi 15 avril, une conférence sur les finances publiques. Sauf que dans la réalité, cet objectif est tout, sauf crédible.
La France dépense trop. Et elle a besoin d’argent. En quelques mots, telle est la réalité du pays qui brandit l’étendard de la souveraineté européenne et de l’autonomie stratégique face aux Etats-Unis de Donald Trump. Plus de crédits pour la défense, dont Emmanuel Macron a promis de doubler le budget d’ici à 2030? Impossible en l’état, sans plomber la dette publique record déjà supérieure à 3300 milliards d’euros, soit plus de 110% du produit intérieur brut (PIB).
Pas d’argent pour la recherche
Plus de crédits pour l’innovation et la recherche, ce secteur pour lequel l’Union européenne doit investir au moins 800 milliards d’euros par an selon le récent rapport Draghi? Impossible si l’Etat français ne cesse pas sa valse des milliards. Alors que 50 milliards d’euros d’économies étaient prévus dans la loi de finances 2025, le compteur affiche déjà, en avril, 5 milliards de dépenses en trop. La Cour des comptes va même plus loin. Dans un rapport, l'institution dénonce le choix du gouvernement d’annuler 10 milliards de crédits en février, «sans reposer sur des projections rigoureuses». Plus grave: sur les 31 programmes budgétaires touchés par les annulations, 7 ont même bénéficié d’une augmentation en fin d’année supérieure aux économies décidées.
Un homme a construit sa carrière politique sur la mise en garde de ses compatriotes contre une dette publique incontrôlée, synonyme d’une dépendance accrue de la France envers ses créanciers internationaux, qui possèdent 55% des obligations émises par l’agence France Trésor, comptable en chef de la République. Cet homme se nomme François Bayrou, 73 ans, et cela tombe bien: il dirige le gouvernement depuis le 13 décembre 2024.
Survie politique vs économies
Problème: le voici écartelé entre son obligation de survie politique et sa détestation d’un pays condamné à vivre à crédit parce qu’il ne parvient pas à dépenser moins. Le leader centriste doit son maintien au pouvoir à l’accord tacite des socialistes, qui ont accepté de ne pas voter de motion de censure avec le Rassemblement national (droite nationale populiste) et la gauche radicale. Or le PS refuse toute concession sociale. Mieux: ce parti a obtenu une renégociation – en cours – de la réforme des retraites entrée en vigueur en avril 2023. Bref, pas question pour la gauche sociale-démocrate de se serrer la ceinture.
Deuxième problème: François Bayrou danse sur un volcan de dérapage budgétaire depuis l’adoption en urgence de la loi de finances en décembre 2024. Pour 2025, l’objectif est un déficit public de 5,4%, autre triste record. 308,3 milliards d’euros de recettes publiques prévues pour 2025, dans un pays où les prélèvements obligatoires représentent 45,6% du PIB. 444, 9 milliards d’euros de dépenses programmées. Un solde du budget de l’État est de -138 milliards d’euros. Or un acteur majeur du fonctionnement de l’Etat a décidé de boycotter sa conférence sur les finances publiques: l’Association des maires de France. Alors que le budget des collectivités locales représente à lui seul 200 milliards d’euros. Premier bug de taille…
40 milliards d’euros? C’est trop peu
Et les 40 milliards d’euros d’économies prévus, au menu de cette conférence? Insuffisants, selon la plupart des experts, pour vraiment désendetter la France. La preuve? La seule charge de la dette, à savoir les intérêts annuels à payer, va s’élever à 59 milliards d’euros pour 2025. Il faudrait donc au moins trouver vingt milliards d’euros supplémentaires d’économies… ou de recettes fiscales supplémentaires. Soit exactement ce qu’avait envisagé son prédécesseur Michel Barnier (droite), renversé par une motion de censure au début décembre 2024.
Ce dernier avait alors donné des pistes: suppression partielle de l’indexation des retraites, fusion de certains services publics, baisse du nombre de fonctionnaires, nouvelles taxes sur l’électricité, et impôts supplémentaires pour 65'000 foyers aisés et plusieurs centaines d’entreprises ayant réalité d’importants profits. Autant de chantiers gelés depuis sa démission.
La réalité est bien pire
La France doit économiser 40 milliards d’euros? La réalité des chiffres est bien pire. Sur fond d’un ralentissement programmé de la croissance économique. L’objectif de 0,9% pour 2025 est déjà remis en cause. Une quasi-stagnation autour de 0,4% est bien plus probable. Le taux de chômage grimpe. Pas de quoi rassurer les créanciers internationaux de la France, alors que la guerre commerciale avec les Etats-Unis s’installe dans la durée.