«Rien ne nous aura été épargné» depuis la disparition tragique du petit Emile il y a deux ans, ont déploré mardi ses parents, dénonçant le rôle des «médias» et des «réseaux» dans une rare prise de parole au deuxième anniversaire de ce fait divers qui avait tenu la France en haleine à l'été 2023. «Cela fait deux ans que la disparition d'Emile a déchiré nos vies, que le sol s'est dérobé sous nos pieds et que nous avons été noyés dans l'angoisse», écrivent Marie et Colomban Soleil, dans un communiqué transmis par leur avocat.
«Rien ne nous aura été épargné, c'est un grand paradoxe: notre position de victime et notre grande fragilité, au lieu de susciter respect et protection, semble avoir donné tous les droits sur nous. Nous avons vu étalés et décryptés nos visages, notre passé, nos parcours, nos opinions politiques réelles ou fantasmées, notre foi catholique, nos habitudes, nos qualités, nos défauts, ceux de nos chères familles, de nos amis, déplorent-ils. Nous avons vu les êtres que nous aimons trainés dans la boue, calomniés tant et plus. Partout: dans les médias, sur les réseaux.»
Un grand-père rigoriste
Il est 18h12, le samedi 8 juillet 2023 quand un appel aux gendarmes signale la disparition d'Emile, un garçonnet de 2 ans et demi, arrivé la veille pour les vacances chez ses grands-parents maternels, dans leur résidence secondaire du Haut-Vernet, un hameau perché à 1200 m d'altitude dans les Alpes-de-Haute-Provence. Au moment de sa disparition, Philippe Vedovini, le grand-père, est occupé à charger le coffre de sa voiture, et Emile qui jouait dans le jardin a échappé à sa surveillance.
Dès le début de l'enquête, le profil du grand-père, 59 ans, décrit comme un patriarche rigoriste aux méthodes éducatives musclées, alimente les soupçons, relancés par des révélations sur son passé au sein d'un «village d'enfants» géré par une communauté religieuse traditionaliste dans le Pas-de-Calais.
Entendu en 2018 sous le statut de témoin assisté dans une enquête pour violences, agressions sexuelles et viols sur mineur, il avait alors reconnu des claques et des coups de pieds, sans toutefois être mis en examen.
«Nous n'avons rien à dire»
Pendant neuf mois, et malgré plusieurs jours de battues et ratissages, l'enquête sur la disparition d'Emile ne donne rien de concret, jusqu'à la découverte fortuite, fin mars 2024 par une promeneuse, du crâne et de dents de l'enfant, à environ 1,7 km du hameau.
Un an plus tard, coup de théâtre, les grands-parents d'Emile et deux de leurs enfants majeurs sont placés en garde à vue pour «homicide volontaire» et «recel de cadavre», avant d'être relâchés 48 heures plus tard, car «les charges n'étaient pas suffisantes» pour d'éventuelles poursuites, selon les termes du procureur d'Aix-en-Provence, Jean-Luc Blachon.
«Nous avons été épiés, photographiés à notre insu, assiégés chez nous par les caméras», affirment les parents d'Emile dans leur communiqué, disant s'être «astreints au silence» pendant deux ans «car nous n'avons rien à dire». «Connaître la vérité (...) est un devoir à rendre à notre Emile. C'est bien pourquoi nous ne souhaitons aucunement y faire obstacle en risquant de dévoiler le secret de l'instruction», ajoutent-ils, assurant vouloir «tout mettre en oeuvre pour que justice lui soit rendue».
Explorer d'autres pistes
Lors de sa dernière conférence de presse le 27 mars dernier, le procureur avait révélé qu'Emile avait été victime d'un «traumatisme facial violent», évoquant «la probable intervention d'un tiers». Il avait également précisé que la piste familiale n'était «pas refermée».
Interrogée mardi sur BFMTV, l'avocate de Philippe Vedovini a regretté que son client ait été «déjà déclaré coupable par le tribunal médiatique», évoquant des «gardes à vue assez violentes (...) plus à charge qu'à décharge». Selon Me Isabelle Colombani, son client tout comme elle ont depuis reçu «des courriers de menaces».
«Cela fait désormais plus de trois mois que les gardes à vue se sont achevées sans qu'aucune charge soit retenue à leur encontre, on peut légitimement imaginer que les enquêteurs, désormais, explorent d'autres pistes, se mobilisent sur d'autres pistes que la piste intra-familiale», a déclaré pour sa part à l'AFP Me Julien Pinelli, le défenseur de la grand-mère d'Emile, Anne Vedovini. Depuis sa conférence de presse du 27 mars, le procureur d'Aix n'a fait aucune déclaration sur l'affaire: «il n'y a rien de nouveau communicable» et «la cellule d'enquête reste active», a-t-il écrit samedi dans un SMS laconique à l'AFP.