Enfant «sans histoire», grand frère «protecteur» et «super papa»: les proches de Valentin Marcone ont affirmé jeudi n'avoir «rien vu venir» jusqu'à ce qu'il abatte froidement son patron et un collègue dans la scierie des Cévennes où il travaillait.
Comme il le fait depuis l'ouverture de son procès mercredi devant la cour d'assises du Gard, cet homme de 32 ans observe sans ciller experts et témoins décortiquer sa vie, de son enfance sans histoire à cette journée fatale du 11 mai 2021.
Regard impassible du tueur
«C'était un enfant très calme», témoigne sa mère, Muriel, expliquant qu'on «ne peut pas prévoir les choses imprévisibles». «C'était un grand frère protecteur, calme, assez réservé et timide, mais qui savait écouter les autres», raconte ensuite sa sœur Elsa, de trois ans sa cadette, visiblement émue.
«On avait échangé plusieurs fois sur les problèmes qu'il a pu rencontrer là-haut. Je l'ai toujours écouté, peut-être pas assez correctement. Après les faits, je me suis posé la question de savoir si on n'avait pas loupé quelque chose», ajoute-t-elle, sous le regard impassible de l'accusé.
A l'enquêtrice de personnalité qui l'interrogera après les faits, il expliquera «toujours suivre les règles de manière très stricte». Après la naissance de sa fille, Iroise, son beau-père dira que c'est un «super-papa», dit-elle à l'audience.
Un arsenal de tireur sportif
Les «problèmes» de Valentin Marcone, ce sont ses relations de plus en plus conflictuelles avec son employeur, le maire du village, le frère de celui-ci et un gendarme. Le jeune homme, employé comme ouvrier par la mairie, ne supporte pas les petits arrangements avec la sécurité. Il engage des procédures en justice et aux prud'hommes, qui échouent, et son contrat n'est pas renouvelé, ce qui fait naître chez lui un fort sentiment d'injustice.
A cela se seraient ajoutées des remarques désobligeantes de son nouvel employeur, Luc Teissonnière, 54 ans, le patron de la scierie nichée en contrebas du village. A la barre, sa sœur raconte: «Je lui disais: si tu ne trouves pas une solution, pars de là-bas. J'étais sûre que ça pourrait mal finir, mais je pensais plutôt à un suicide.»
Valentin, lui, se rend au travail en gilet pare-balles et emportant un pistolet semi-automatique, une arme qui fait partie de son arsenal fourni de tireur sportif. Et quand, le 11 mai, à la scierie, il entend une conversation évoquant son licenciement, puis que son patron lui reproche «de ne pas avoir dit bonjour», il sort son arme et lui tire deux balles dans la tête, avant d'abattre son collègue Martial Guérin, 32 ans.
«Tué deux personnes pour rien»
Pour Alain Pénin, expert psychologue entendu dans l'après-midi, Valentin Marcone «coche toutes les cases d'une personnalité obsessionnelle». Ses ennuis ont débouché sur une «insatisfaction permanente, une méfiance soupçonneuse à l'égard des autres, dont le comportement est toujours mal interprété». «Une petite remarque non-agressive semble avoir déclenché» son passage à l'acte, ajoute M. Pénin, qui estime que Valentin Marcone a «amorcé» son auto-critique depuis sa mise en détention.
Mercredi, Valentin Marcone a répété avoir «pété un plomb», reconnaissant la disproportion de son acte et disant se «sentir dégueulasse d'avoir tué deux personnes pour rien», tout en semblant toujours convaincu d'avoir bel et bien été l'objet de nombreuses «brimades».
Altération du discernement
Le psychiatre Laurent Layet a ensuite expliqué à la cour que l'accusé avait évoqué devant lui d'autres «brimades», remontant à ses années de collège. «Quand il lui arrive quelque chose, ça va tourner dans sa tête, il intériorise, il a un mode de vie replié, dans une forme de vase clos» familial, a ajouté le psychiatre, en décelant chez Valentin Marcone une personnalité «dans la frange paranoïaque». «On peut considérer qu'au moment des faits, il était atteint d'un trouble ayant altéré son discernement, altéré sa perception de la réalité», a aussi estimé le Dr Layet.
Le verdict de la cour d'assises est attendu lundi. Valentin Marcone, jugé pour assassinat, encourt la réclusion à perpétuité si la préméditation est reconnue, moins si elle ne l'est pas. La sentence pourrait également être quelque peu réduite si le jury considère que son discernement était effectivement altéré au moment des faits.
(AFP)