«Vétérinaires = assassins», cliniques taguées «vétos = collabos»... «On a le droit à tout», déplore David Quint, président du Syndicat français des vétérinaires libéraux, qui témoigne du malaise dans la profession, en première ligne dans la gestion de l'épizootie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).
La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des «dépeuplements» des bovins, selon les termes utilisés par l'Ordre des vétérinaires, institution professionnelle chargée d'encadrer la profession.
«Il a essayé de péter ma vitre (de voiture) avec son poing», a raconté à l'AFP une vétérinaire libérale exerçant dans la Savoie (est), qui a requis l'anonymat à la suite de cet incident avec des éleveurs.
Durant l'été, elle a été mandatée pour abattre un cheptel dans une exploitation. «Deux voitures se sont garées au milieu de la route comme des cowboys pour nous bloquer le passage et on nous a demandé si nous étions +fiers de ce que nous avions fait+, mon confrère et moi», se souvient-elle. «Ils étaient quatre, c'était stressant, j'ai appelé la gendarmerie et porté plainte le soir même», rapporte la vétérinaire.
«Pris en étau»
«On est pris en étau entre la souffrance du monde agricole d'un côté et le fait de devoir faire notre métier de l'autre», a regretté auprès de l'AFP Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires. Lundi, le vétérinaire a reçu cette menace: «dans un autre temps, votre tête aurait fini au bout d'une pique», après s'être exprimé sur la chaîne d'information BFMTV, une première en 35 années d'expérience.
Une enquête a été ouverte mardi par le parquet de Bergerac (sud-ouest) pour menaces de mort après la plainte du praticien. «Il ne faut pas laisser passer», défend-il, appelant ses confrères à porter plainte en cas de menaces.
Il n'y a «rien qui justifie que l'on menace quelqu'un de mort», a réagi mardi David Quint, lors d'une conférence de presse de l'Ordre des vétérinaires et de plusieurs organisations syndicales, qualifiant ces intimidations d'"inacceptables».
La stratégie gouvernementale de lutte contre cette maladie animale très contagieuse, non transmissible à l'homme mais qui peut toucher très durement le cheptel, prévoit l'abattage systématique d'un troupeau dès la détection d'un cas, ce qui cristallise les tensions d'une partie des agriculteurs, notamment de la Coordination rurale (deuxième syndicat) et de la Confédération paysanne (3e).
«N'allez pas trop loin sinon vous n'aurez plus de vétérinaires !», a mis en garde le président du Conseil national de l'Ordre, Jacques Guérin, interrogé par l'AFP en marge de la conférence.
Droit de retrait?
Face à la pression qui a «monté d'un cran», il a appelé les vétérinaires à faire valoir leur droit de retrait «si les conditions ne réunissent pas leur sécurité et celle de leurs proches». Cela signifie qu'un vétérinaire habilité et mandaté par une préfecture pour abattre un élevage pourrait refuser sa tâche, tout en argumentant les raisons auprès du préfet, explique l'Ordre, qui ne soutiendra toutefois pas les clauses de retrait «de principe».
Le standard de l'Ordre des vétérinaires est «submergé d'appels de personnes complotistes, antivax, anti-tout, qui déversent des tombereaux de bêtises à l'encontre de la profession. Cela finit par impacter fortement le moral des vétérinaires», déplorait son président il y a quelques jours auprès de l'AFP.
«C'est inadmissible de s'en prendre aux vétérinaires», a réagi auprès de l'AFP Stéphane Galais, porte-parole de la Confédération paysanne, arguant que la «responsabilité du climat de défiance» est à «aller chercher du côté du ministère de l'Agriculture». La Coordination rurale, syndicat concurrent, «condamne» également «toutes les menaces» envers les vétérinaires, selon François Walraet, secrétaire général du syndicat, joint par l'AFP.
«Ce sont nos partenaires (...) Ce n'est pas à eux qu'il faut s'adresser si on veut que le protocole évolue», abonde-t-il. Les mesures actuelles sont «absolument ce qu'il faut faire» pour éradiquer ce «virus extrêmement résistant dans les milieux extérieurs», insiste par ailleurs la présidente de l'association de vétérinaires SNGTV, Stéphanie Philizot.