Emmanuel Macron a fait un rêve devant les caméras, ce samedi 31 décembre 2022: une France unie, audacieuse, solidaire et résolue à démontrer par son «travail» et son «engagement» qu’elle est capable d’affronter les défis et les crises à venir.
Devant une bibliothèque fournie, sans qu’il soit possible de distinguer les ouvrages sur les étagères, le président Français a, pour les premiers vœux de son second mandat, lancé un appel au rassemblement alors que la réalité politique du pays est aujourd’hui plutôt celle de l’éclatement maximal.
«Nous devons vivre 2023 en pays uni et solidaire, reconnaissant la place de chacun», a-t-il asséné d’emblée, en désignant la génération actuelle comme celle de la «refondation». Un appel dont rien ne permet de penser, au vu du rapport de force politique et compte tenu de l’absence de majorité absolue pour le camp présidentiel à l’Assemblée nationale, qu’il pourra être exaucé.
Rien de très nouveau dans ce discours, sauf l’Ukraine
Ce rêve, Emmanuel Macron l’a surtout répété. Car rien dans son discours de vœux pour 2023, à l’exception de sa promesse de soutien «jusqu’à la victoire» au peuple ukrainien «héroïque» n’était vraiment nouveau.
Deux réformes seulement, d’ailleurs, ont été longuement évoquées par ce Chef de l’État qui ne pourra pas se représenter pour un troisième mandat, en 2027: celle de l’assurance-chômage, et celle des régimes des retraites, dont le détail doit être annoncé le 10 janvier.
Pas d’autre projet mobilisateur ou refondateur à l’horizon. Le «contrôle des frontières» a été mentionné sans entrer dans le détail du prochain projet de loi sur l'immigration. L’impression qui se dégage de ses vœux est qu’Emmanuel Macron le réformateur, hier apôtre de la rupture, a compris qu’il ne pourra pas aller plus loin. Il sait que sa promesse de «transmettre à nos enfants un modèle social juste et solide» est rejetée par une bonne partie du pays, syndicats y compris. Le voici donc, en ce début 2023, dans son ultime sprint: aller le plus vite possible pour faire adopter la réforme des retraites. Et ensuite? Tout miser sur l’Europe, l’autre promesse de ce discours durant lequel le locataire de l’Élysée n’a tendu aucune perche aux oppositions, de droite comme de gauche.
L’Europe? Là aussi, le refrain macronien est connu. Mais il prend évidemment plus de relief à la lumière de la guerre en Ukraine où il s’agit bien, selon lui, de défendre «la voie du droit et de la liberté». «L’Europe nous a permis d’agir en bloc de résistance unie […]. Nous avons un continent pour forger un espace de paix et de liberté, de droit et de puissance. Nous devons œuvrer à ce que notre Europe soit plus forte.»
Le calendrier est sous-entendu. 2023, année difficile, sera l’année de la transition. Transition énergétique, puisque toutes les conséquences de la guerre en Ukraine devront être tirées. Transition politique, puisque la réforme des retraites permettra de délimiter les nouvelles frontières au parlement et dans la rue. Transition économique avec, parmi les promesses présidentielles, celle de «sortir des dépendances et aboutir à un prix de l’électricité qui correspond à son coût de production», en particulier grâce à la remise en fonction des réacteurs nucléaires, aujourd’hui à l’arrêt pour maintenance.
Pas les moyens de transformer son rêve en réalité
Emmanuel Macron a fait un rêve, mais il n’a pas détaillé dans son allocution les moyens de le transformer en réalité. «Comme vous, je m’impatiente sans jamais céder à la fatalité», a-t-il déclaré au milieu de son discours, avant de réitérer son appel au travail, à l’engagement et à «une société de confiance».
Pas un mot sur certains des faits majeurs qui ont marqué l’année 2022, comme l’obstination guerrière de Vladimir Poutine en Ukraine, le retour en force des États-Unis sur le continent européen, la résurrection de l’OTAN comme garantie de sécurité des Européens qui cherchent toujours à faire avancer leur défense commune, ou l’expulsion de la France du Mali. Le président français version 2023 a conscience que rien ne sera possible sans le soutien de cette population qui lui échappe en partie.
«Génération de bâtisseurs»
«Soyez cette génération de bâtisseurs (…) pour refonder la France et l’Europe», a conclu le dirigeant en évoquant les travaux en cours de la réhabilitation de Notre-Dame de Paris.
Problème: l’architecte Macron n’a, pour parvenir à cet objectif, que des plans assurés de susciter avant tout des divisions supplémentaires. Le paradoxe du «en même temps» macroniste n’a jamais été aussi fort qu’en cette fin 2022: ce président qui divise sait qu’il doit rassembler. Mais il ne sait pas comment y parvenir.