21 suspects arrêtés
La piste des narcotrafiquants confirmée dans les attaques de prison

À Paris, 18 des 21 suspects liés aux attaques contre des prisons ont été mis en examen. L'enquête révèle que ces actes sont attribuables aux narcotrafiquants. La procureure de Paris tiendra une conférence de presse samedi pour plus de détails.
Publié: 02.05.2025 à 22:11 heures
Plus de 30 personnes ont été interpellées dans l'affaire des attaques de prison.
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

Au moins 18 des 21 suspects présentés vendredi à des juges d'instruction chargés de la criminalité organisée à Paris ont été mis en examen, l'enquête ayant démontré que les attaques contre des prisons et des agents pénitentiaires étaient imputables aux narcotrafiquants.

Après leur mise en examen, les suspects comparaissent devant un juge des libertés et de la détention (JLD) qui doit statuer sur leur placement en détention provisoire, requis par la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), seule désormais à conduire les investigations.

«Faire exemple plutôt que du droit»

Dans le box, ceux qu'a pu voir l'AFP avant que le huis clos ne soit ordonné sont âgés d'une vingtaine d'années. La «dimension publique, politique» du dossier «est écrasante pour tous les mis en examen», a réagi auprès de la presse l'avocate de l'un d'eux, Helin Köse.

«Il faudra que l'instruction mette en exergue avec précision la responsabilité de chacun. Mon client, à titre d'exemple, n'avait aucune idée de l'ampleur des activités de ce groupe et les condamne fermement», a-t-elle ajouté.

«Les mises en examen automatiques dans ce dossier (...) reflètent une volonté de faire un exemple plutôt que de faire du droit», a regretté Juliette Triquet, une autre avocate. Pour le conseil Maxence Gallo, les attaques de prisons traduisent «un appel à l'aide malvenu dans sa forme mais qui doit être écouté».

Narcobanditisme marseillais

La procureure de Paris, Laure Beccuau, tiendra une conférence de presse samedi à 11h au tribunal. Parmi les 21 suspects, dont deux mineurs et sept déjà incarcérés, figure le créateur présumé «du premier compte Telegram intitulé DDPF (Défense des prisonniers français) et rédacteur du texte de revendication (...) mettant en cause la condition carcérale», soulignent dans un communiqué commun le parquet national antiterroriste (Pnat) et la Junalco.

Déjà en détention, condamné pour des infractions de droit commun, il sera prochainement jugé «pour des faits liés au narcobanditisme marseillais, proche de la DZ Mafia». Dans le box, le jeune homme de 23 ans, pantalon noir bariolé et fine barbe, a écouté attentivement la JLD, mains croisées dans le dos. Son avocate n'a pas souhaité s'exprimer.

Un mode opératoire similaire

Le groupe DDPF, totalement inconnu, avait publié vidéo et menaces sur cette messagerie cryptée, qui a fermé le canal. «Trois relais probables des actions violentes de 'DDPF', également inscrits dans la grande criminalité» et en détention, ont aussi été identifiés.

Ces «donneurs d'ordres» ont désigné «des cibles (...) parmi les agents et les établissements pénitentiaires (...) et auraient sollicité des relais hors les murs, pour recruter des exécutants, parfois leur donner les moyens d'agir, et les rémunérer», est-il détaillé.

Les investigations «ont mis en évidence un mode opératoire similaire, déployé de façon répétée: à partir d'un mot d'ordre d'action donné par l'instigateur du mouvement 'DDPF' sur une chaîne Telegram, des offres d'actions ont été diffusées et relayées sur les réseaux sociaux, des exécutants ont été recrutés et sont passés à l'acte, moyennant une rémunération significative», relate le communiqué.

«Ce mode opératoire correspond à celui désormais habituellement employé par les organisations criminelles», est-il ajouté.

30 personnes interpellées

Au total, 30 personnes ont été interpellées entre lundi et mercredi lors d'un vaste coup de filet dans toute la France. Sept ont été relâchées. Un mineur de 16 ans a été mis en examen et incarcéré à Lyon pour «des incendies aux abords des maisons d'arrêt» dans le Rhône, selon son avocat, Hervé Banbanaste. La procédure, qui concerne également un majeur, n'a pu être liée avec l'enquête principale.

L'information judiciaire ouverte vendredi par la Junalco pour notamment association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes et de délits et tentative de meurtre en bande organisée porte sur une quinzaine d'actions menées contre des prisons et des agents pénitentiaires à partir du 13 avril.

Le tag «DDPF»

Ce jour-là, à Agen, est apparu pour la première fois le tag «DDPF» près de sept voitures incendiées sur le parking de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (Enap). S'en est suivie une série d'incendies de voitures de personnels pénitentiaires un peu partout en France, des tirs de mortiers d'artifices sur des prisons, voire des tirs de Kalachnikov comme à Toulon. Et des tirs par arme à feu et des jets de cocktails Molotov le 21 avril dans un lotissement en Isère où résident des agents pénitentiaires, près de la prison de Saint-Quentin-Fallavier.

Le Pnat s'est saisi de l'enquête le 15 avril mais à l'issue du coup de filet, «il n'apparaît pas que ces actions coordonnées procèdent d'une entreprise terroriste». Les pistes de l'idéologie radicale violente et de l'ingérence étrangère, «pleinement explorées», ont été abandonnées.

«En revanche, les investigations ont permis d'inscrire résolument ces actions dans la très grande criminalité organisée», selon le communiqué. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait imputé dès le début les attaques à la criminalité organisée. Le Parlement a définitivement adopté mardi une proposition de loi destinée à renforcer la lutte contre les narcotrafiquants.

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