Reportage au Rose Bowl Stadium
«Ah mais oui, c'est là que Baggio a raté son penalty!»

Le gigantesque Rose Bowl Stadium, lieu chargé d'histoire, accueille six rencontres de la Coupe du monde des clubs dans une chaleur étouffante, qui ne fait pas peur aux fans venus du Mexique. Les Italiens, eux, se sont rappelés un bien mauvais souvenir, datant de 1994.
Publié: 06:54 heures
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Dernière mise à jour: 10:44 heures
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Roberto Baggio vient d'entrer dans l'histoire du football à ce moment-là. Mais pas comme il l'aurait voulu...
Photo: imago/AFLOSPORT

La scène était presque émouvante ce mardi devant le Rose Bowl Stadium de Pasadena. Un enfant d'une dizaine d'années, faux maillot de l'Inter sur le dos, est accompagné de sa maman et, dans sa main droite, il tient une pancarte qu'il brandira plusieurs heures plus tard en direction de Nicolo Barella, en espérant que celui-ci l'aperçoive et lui donne son maillot. La maman est fière de son fiston, qui a écrit son message en italien, et le relit encore une fois pour être sûr de n'avoir laissé aucune faute. Et voilà qu'un couple, d'un certain âge, s'approche de cet attendrissant duo mère-fils.

L'homme doit bien être riche de 75 ans, voire plus, et il s'adresse au petit garçon en italien. Celui-ci, gêné, se tourne alors vers sa «mama», cherchant une aide que celle-ci ne peut lui offrir. «Il est Italien seulement de nom, celui de son grand-père paternel», le défend sa maman, tandis que le vieil homme sourit. «Qui a écrit la pancarte alors?», demande-t-il. Le petit garçon répond fièrement: «Me!», en avouant s'être aidé de son téléphone, outil déjà indispensable à cet âge-là. Le papy sourit.

«Mon père est venu d'Italie après la deuxième guerre mondiale, il s'est établi ici à Los Angeles», explique celui qui se définit également comme fan de l'Inter. «Je ne suis jamais allé au stade à Milan, mais c'était le club de mon père. Alors, c'est le mien aussi», explique l'Italo-Américain, qui dit être originaire de Calabre et habiter pas trop loin du stade, ce qui en termes américains peut vouloir dire à moins de deux heures de voiture.

Les Rayados étaient plus de 15'000

Une conversation s'engage alors, en anglais, entre ces Italiens de la deuxième et de la quatrième génération, réunis au Rose Bowl Stadium par la grâce de ce match de Coupe du monde des clubs entre l'Inter et le club mexicain de Monterrey, lequel a amené des milliers de fans avec lui. Si les Nerazzuri sont soutenus uniquement par des Italo-Américains, et ils sont nombreux dans la région de Los Angeles, ce n'est pas le cas des Rayados de Monterrey, lesquels ont fait le pèlerinage depuis le Mexique voisin. Et c'est peu dire qu'ils mettent l'ambiance au Rose Bowl, déjà plusieurs heures avant le coup d'envoi, eux qui sont largement plus de 15'000 ce mercredi.

Plusieurs d'entre eux sont équipés de leur masque de catcheur mexicain, qui les fait transpirer encore plus, alors que le thermomètre indique largement plus de 30 degrés à 15h et que le goudron fond littéralement au soleil à proximité des bus dans les huit gigantesques parkings que compte le complexe. Pour arriver au Rose Bowl Stadium, à vingt minutes en voiture du coeur de Los Angeles quand tout va bien, ne comptez ni sur les transports publics ni sur un quelconque métro (le plus proche est à trois kilomètres...): venez en voiture, sans même penser à un autre moyen de transport. Le Rose Bowl et ses 80'000 places ne sont pensés que pour les automobilistes, point final. 

Un golf brûlé par le soleil, des écureuils un peu peureux

Et pour le courageux qui décide se s'y rendre à pied depuis l'une des collines environnantes, la marche est belle, malgré la chaleur, et la descente vers le stade est agréable, parsemée de rencontres régulières avec des écureuils un peu peureux mais très nombreux. La promenade débouche sur le golf attenant au stade, et, si les greens sont un peu brûlés par le soleil, l'atmosphère y est très agréable et, osons le mot, même un peu rafraîchissante.

Le stade vide, deux heures avant le coup d'envoi...
Photo: DR

Les fans de Monterrey ont beau chercher l'ombre, très rare autour du stade, ils ne se plaignent pas de la chaleur pour autant. «Chez nous, en ce moment, il fait 40. Et en température ressentie, largement plus», explique l'un des innombrables supporters croisés à la sortie du parking. Tous sont venus en avion et ont loué une voiture à l'aéroport de Los Angeles.

«Le voyage coûte cher, mais ce tournoi est historique. On est tellement fiers d'y participer et on veut encourager notre équipe du mieux possible», explique l'un d'eux, maillot blanc sur le dos comme le reste de son petit groupe. A-t-il hésité à venir en voiture? «Non. Le Mexique est le pays voisin, mais la voyage nous aurait pris deux jours. Et pas forcément coûté moins cher», assure-t-il. Tous sont allés acheter à manger dans l'un des gigantesques malls croisés depuis l'aéroport, car les prix à l'intérieur du stade sont tout simplement délirants: un sandwich au porc coûte 18 dollars, une tranche de pizza 16, une bière... 15!

... et rempli aux trois quarts une fois le match commencé.
Photo: DR

Les Mexicains sont donc restés sagement en dehors de l'enceinte du stade le plus longtemps possible, dissertant plusieurs minutes sur son architecture particulière. Le Rose Bowl est en effet gigantesque, et, un peu dans le style du Marakana de Belgrade, est continu, c'est à dire qu'il est possible d'en faire le tour à pied sans devoir franchir une seule barrière. Ici, pas de secteurs visiteurs, ce qui fait déjà une différence fondamentale avec l'Europe, et aucun des sièges n'est couvert. Une bonne moitié possède un dossier, d'ailleurs, pas plus, et son design «old school» en forme de cuvette ne favorise pas une ambiance démentielle, pour rester mesuré, malgré tous les efforts de la torcida mexicaine.

Roberto Baggio et Brandi Chastain en vedettes

Les supporters de Monterrey se demandent d'ailleurs si un match de football, le vrai, a déjà eu lieu dans ce stade avant aujourd'hui. C'est vrai, le Rose Bowl est plus connu pour le football américain, mais on leur répond tout de même que la finale de la Coupe du monde 1994 a eu lieu ici, un certain Brésil-Italie. Un temps. «Ah, mais oui, c'est là que Baggio a raté son penalty!», s'exclame l'un d'eux, à la mémoire affûtée. Roberto Baggio a en effet connu le pire moment de sa carrière ici-même, son penalty s'envolant dans le ciel californien et emportant avec lui les rêves de titre mondial de la Squadra Azzurra, donnant vie à la photo de football la plus mythique des années 90: Le numéro 10 de l'Italie, tête basse, comprenant immédiatement les conséquences tragiques et irréversibles de son penalty manqué.

Claudio Taffarel exulte: le Brésil est champion du monde!
Photo: Keystone

Une autre image iconique a fait le tour du monde, cinq ans plus tard, mais pour une raison positive cette fois. L'Américaine Brandi Chastain a en effet réussi son tir au but, elle, et opté pour une célébration restée mythique aux Etats-Unis et sur le reste de la planète en finale de la Coupe du monde 1999. Le Rose Bowl, même s'il n'est pas un stade de soccer à la base, a ainsi tout de même été le théâtre de grands moments de ce sport.

Ce choc entre l'Inter et Monterrey, mardi soir, ne rentrera pas dans la légende, mais il n'a de loin pas été inintéressant à suivre. Les Mexicains, soutenus par 85% du stade, qui a accueilli plus de 40'000 spectateurs au total, ont ouvert la marque par Sergio Ramos, lequel a pris le meilleur de la tête sur Francesco Acerbi pour tromper Yann Sommer, mais les Interistes ont égalisé grâce à l'inévitable Lautaro Martinez. 1-1, score final, mais un très net avantage dans les tribunes à la joyeuse et très bruyante délégation mexicaine. Ce Mondial des clubs, si décrié en Europe, met en joie une grande partie du reste de la planète et c'est bien là sa plus grande victoire.

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