Deux heures après le match, les supporters de Botafogo chantent encore leur bonheur, en attendant les bus qui vont les ramener au centre-ville de Pasadena, où logent une bonne partie d'entre eux. Le Rose Bowl, ce gigantesque stade de 80'000 places, juste dans leur dos, a été le théâtre de l'un de leurs plus grands bonheurs: leur équipe vient de battre le Paris Saint-Germain, champion d'Europe en titre.
Les compliments de Luis Enrique
Plusieurs de ces fans sont sur leur smartphone, entre deux cris à la gloire du «Glorioso» et ils se passent les extraits de la conférence de presse de Luis Enrique, qui vient d'avoir lieu à quelques dizaines de mètres. «Peu d'équipes ont défendu contre nous comme Botafogo l'a fait ce soir, que ce soit en championnat de France ou en Champions League. Je dirais même qu'aucune équipe ne l'a réussi. Ils ont défendu en bloc, de manière très unie. Bravo à eux!», a complimenté l'entraîneur du PSG, dont l'équipe a peiné, le mot est faible, pour trouver les solutions au sein de la très compacte défense de Botafogo.
Alors que les fans de Botafogo chantent tant et plus, le staff du club de Rio reçoit les félicitations du «boss» John Textor. L'Américain est sans aucun doute le plus heureux de tous, en ce jeudi soir, ou en tout cas il semble l'être. Celui qui est également propriétaire de l'OL, et n'avait jamais réussi à battre le PSG jusqu'alors, prend dans ses bras tous les gens qu'il croise et se jette littéralement sur chaque micro et caméra passant à côté de lui. «C'est historique! Le PSG est la meilleure équipe du monde et on l'a battue ce soir», répète-t-il, casquette bleue sur la tête, heureux d'avoir pu marquer un point contre Nasser Al-Khelaïfi, son «meilleur ennemi». Personne ici n'a oublié que le propriétaire du PSG avait traité voilà peu John Textor de «cowboy» dans une visio devenue célèbre... Le compte officiel du club brésilien s'est même permis un petit retour de manivelle de bon aloi.
Parmi toutes les personnes qu'il a embrassés ce jeudi soir dans les coulisses du Rose Bowl, l'Américain a réservé des étreintes spéciales à un homme en particulier: Renato Paiva. L'entraîneur portugais a été le grand architecte de ce succès, aidé dans son staff par un technicien bien connu du public suisse: Ricardo Dionisio. Celui-ci sort du vestiaire de Botafogo après quelques dizaines de minutes, le temps de savourer cet exploit et de se rappeler, peut-être, qu'en septembre dernier, il démissionnait de son poste d'entraîneur du FC Stade-Lausanne-Ouchy dans le bus qui le ramenait de Bellinzone après une défaite au Tessin... D'entraîneur en Challenge League à bourreau du PSG, voilà l'étonnant destin de Ricardo Dionisio en neuf mois à peine!
«C'est beau quand tu as un plan et qu'il fonctionne»
«C'était beau, non?», sourit l'ancien numéro 1 de Nyon et de Sion, forcément heureux de pouvoir vivre ce moment d'histoire depuis l'intérieur. «On avait un plan, en renforçant non pas notre défense, mais notre milieu de terrain. Je pense que le PSG nous attendait avec deux attaquants, mais on a joué avec une seule pointe et trois hommes dans le coeur du jeu», explique-t-il, alors que Luis Enrique avait décidé de faire souffler Joao Neves et Fabian Ruiz en début de partie. «Nos gars au milieu ont été énormes, comme toute l'équipe. C'est beau quand tu as un plan et qu'il fonctionne», glisse Ricardo Dionisio, sincèrement épaté par le caractère montré par les joueurs de Botafogo.
«Je le constate depuis que je suis arrivé, ce groupe a de grandes ressources morales. Même quand c'est dur, il ne lâche rien. Il y a vraiment des garçons d'expérience et de caractère», explique-t-il, alors que des cris de joie se font encore entendre juste à côté de lui. Le buteur Igor Jesus passe à quelques centimètres de la conversation, son trophée d'homme du match dans la main. John Textor lui donne de grandes claques dans le dos, sans doute autant pour le féliciter de son but, le seul du match, que pour se réjouir de voir la cote de son avant-centre monter. Nottingham Forest a déjà un pré-accord avec lui, son arrivée est imminente, mais peut-être que le fait d'avoir marqué contre le PSG va encore faire monter les enchères un petit peu...
Le vice de Botafogo a agacé le PSG en fin de match
Si Botafogo a fait preuve de caractère, notamment grâce à ses joueurs d'expérience, Alex Telles (ex-Manchester United), Allan (ex-Napoli) et Gregore, un très puissant et très sous-coté milieu défensif, les joueurs du club brésilien ont également pratiqué une sorte de vice, particulièrement visible une fois qu'ils étaient devant au score. Le PSG, peu habitué à autant de roublardise sur les pelouses européennes, s'en est agacé à de nombreuses reprises, ce qui fait sourire Ricardo Dionisio. «Mais mes amis, ça c'est la différence entre la Libertadores et la Champions League! On est allés jouer à Estudiantes de la Plata, en Argentine, il y a quelques semaines... Il faut voir comment ça se passe là-bas! Ca fait partie de la culture du football sud-américain.» Et c'est aussi ce qui fait la beauté de cette Coupe du monde des clubs, qui voit s'affronter diverses manières d'appréhender le football. Luis Enrique, d'ailleurs, a eu l'élégance de ne pas en faire une excuse et de reconnaître la victoire brésilienne.
Voilà donc Botafogo avec six points en deux matches dans cette Coupe du monde des clubs, mais une qualification encore loin d'être acquise. Si le PSG bat Seattle lors de la dernière journée, et que le club de Rio s'incline face à l'Atletico Madrid, alors les trois équipes se retrouveraient à six points. La différence de buts particulière entrerait alors en compte et, vu que le PSG a battu l'Atletico 4-0, Botafogo pourrait se permettre de perdre d'un but contre les Madrilènes et de se qualifier quand même. «Mais on ne raisonne pas comme ça! On va préparer une stratégie de match, comme contre le PSG, pour faire le meilleur résultat possible. Je n'ai pas peur que ce groupe s'enflamme, les joueurs ont les pieds sur terre et de l'expérience. Cela ne veut pas dire qu'on va battre l'Atletico, de loin pas, mais on ne va pas se contenter d'une défaite 1-0 parce qu'elle nous qualifierait», ajoute Ricardo Dionisio.
«Les cimetières sont pleins de favoris»
Juste avant, en conférence de presse, son entraîneur en chef Renato Paiva a parlé d'une «victoire historique» et d'une «bataille entre deux continents». Le Portugais s'est dit «très heureux pour le Brésil, pour les joueurs brésiliens, pour les entraîneurs brésiliens et pour les étrangers travaillant au Brésil. Il y a toujours une chance de gagner un match. Comme je l'avais dit avant la partie, les cimetières sont pleins de favoris quand on parle de football! Aujourd'hui, nous en avons apporté une nouvelle preuve.» Le technicien s'est dit particulièrement heureux d'avoir pu faire abstraction de la négativité ambiante après le match inaugural, pourtant gagné face à Seattle.
«Ce n'est pas l'opinion externe qui nous définit. On croit en ce qu'on fait et on le transmet aux joueurs», s'est-il réjoui, soulignant la qualité tactique de ce que son équipe a proposé ce jeudi. «Le PSG ne s'est pas créé autant d'occasions qu'ils le font d'habitude. Oui, ils ont eu la possession, mais nous avons été très compacts. C'était une performance magnifique, complète. Bien sûr que j'aurais aimé que nous ayons plus de possession et que nous puissions un peu plus attaquer, mais ce n'était pas vraiment possible: ce PSG est une machine à attaquer, à défendre, dans les transitions...»
Mais Botafogo a tenu bon! «Nous avons été intelligents et très disciplinés tactiquement, a ajouté Renato Paiva. Nous avons été ce qu'est ce PSG: une vraie équipe. Et ce n'est pas la première fois que nous le sommes. Nous avons tous attaqué, tous défendu, nous avons joué en bloc et c'était le seul moyen de les battre. Et, bien sûr, il faut un peu de qualité aussi.»
Celle qu'a montré Igor Jesus en s'amusant avec la défense centrale parisienne pour marquer le seul but du match et faire exploser de joie la majorité du Rose Bowl Stadium. Le vainqueur de la Libertadores a battu celui de la Champions League et c'est tout Botafogo qui a fêté ce succès historique dans les rues de Pasadena et de Los Angeles.