La grand-tante du petit Grégory Villemin, dont le meurtre il y a 40 ans est l'un des crimes non résolus les plus emblématiques de France, sera entendue vendredi à Dijon pour une possible mise en examen pour association de malfaiteurs criminelle, et donc un éventuel énième rebondissement.
Jacqueline Jacob, 81 ans, qu'une expertise en graphologie a désignée comme l'auteure présumée d'une ou plusieurs lettres anonymes de menaces à la famille du garçon tué à 4 ans, «est convoquée le 5 septembre», a assuré à l'AFP l'un de ses avocats, Frédéric Berna, confirmant une information du quotidien l'Est Républicain.
Elle avait proclamé sa «totale innocence» en juin quand le procureur général de la cour d'Appel de Dijon, Philippe Astruc, avait annoncé qu'elle serait interrogée dans les prochains mois en vue d'une possible «mise en examen pour association de malfaiteurs criminelle». L'octogénaire avait déjà été interpellée en juin 2017, avec son époux Marcel. Mme Jacob avait alors gardé le silence et avait été mise en examen avec son mari pour «enlèvement et séquestration suivie de mort». Mais les poursuites visant le couple avaient ensuite été annulées pour vice de forme.
«On piétine les droits de la défense»
Grégory Villemin avait été retrouvé mort pieds et poings liés le 16 octobre 1984 dans la Vologne, quelques heures après avoir disparu dans le petit village de Lépanges-sur-Vologne, dans les Vosges. Ses parents recevaient depuis plusieurs années des lettres anonymes d'injures et de menaces d'un mystérieux «corbeau». «Elle nous dit qu'elle n'a strictement rien à se reprocher, qu'elle n'a écrit aucun de ces courriers, que c'est n'importe quoi, farfelu», répète Me Berna.
«On va demander le report de cette audition parce qu'on attend, pour nous convoquer, l'avant-veille d'un procès où on va être pendant trois mois et demi et on nous envoie la copie de la procédure cinq jours avant, donc on piétine les droits de la défense», a déclaré à l'AFP Stéphane Giuranna, un autre des avocats de Mme Jacob.
Il évoque ainsi la proximité de cette audition avec le début du procès de Frédéric Péchier, dans lequel interviennent les trois avocats de Mme Jacob. Cet ancien anesthésiste de Besançon sera jugé à partir du 8 septembre devant la cour d'assises du Doubs pour 30 empoisonnements, dont 12 mortels.
Jacqueline Jacob «se rendra-t-elle à cette convocation, opposera-t-elle à nouveau son droit au silence ou acceptera-t-elle de s'expliquer, de dire ce qu'elle sait sur la mort de Grégory», a réagi auprès de l'AFP Me François Saint-Pierre, l'avocat des parents de Grégory. «Ce serait, à notre sens, la seule attitude digne de sa part au soir de sa vie», assène-t-il.
Multiples rebondissements
En juin, les trois avocats de Mme Jacob s'étaient «étonnés de la qualification de mise en examen envisagée» parce que l'association de malfaiteurs criminelle ne figurait pas dans le code pénal au moment du meurtre: ce chef d'accusation avait été aboli en 1983 avant d'être réintroduit en 1986. L'affaire Grégory a connu de multiples rebondissements et coups de théâtre en plus de 40 ans.
Bernard Laroche, un cousin du père, avait été rapidement mis en cause sur la base d'accusations de sa belle-soeur, une adolescente de 15 ans, qui était ensuite revenue sur ses propos. Inculpé d'assassinat et écroué, il avait été remis en liberté mais le père de Grégory, Jean-Marie Villemin, convaincu de sa culpabilité, l'avait tué en mars 1985. La mère de Grégory, Christine Villemin, avait à son tour été poursuivie, avant de bénéficier d'un non lieu.
Depuis l'arrestation de Mme Jacob et son époux en 2017 et l'abandon des poursuites pour vices de forme, de nouvelles expertises ont été menées et la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, qui supervise le dossier, a listé en début d'année 2025 tous les «éléments qui concernent Jacqueline Jacob», avait annoncé en juin le procureur général, sans donner de détails.