Le 1er janvier, la réforme du droit successoral entrera en vigueur en Suisse, avec la promesse d’apporter davantage de liberté aux testateurs en matière de répartition de leurs biens. Le droit successoral s’applique de façon homogène sur l’ensemble du territoire et semble de prime abord assez simple, ce qui n’est pas le cas l’imposition des successions. Dans ce domaine, ce sont les cantons qui légifèrent et, le cas échéant, prélèvent un pourcentage sur le legs.
Et là, difficile d’y voir clair, car chacun y va de sa spécificité. Seuls deux cantons, Obwald et Schwytz, ne prélèvent aucun impôt sur les successions, et tous les cantons accordent des exonérations sous certaines conditions. Par exemple, aucun d’entre eux ne prélève d’impôt sur la part d’héritage destinée au conjoint. Pour les autres proches et membres de la famille, c’est un peu plus compliqué, d’autant que même les communes sont parfois autorisées à imposer, elles aussi, un prélèvement qui viendra s’ajouter à celui du canton. En Suisse romande, c’est le cas dans les cantons de Genève, de Vaud et de Fribourg.
Des régimes disparates
En Suisse romande, si vous êtes domicilié dans les cantons de Genève, du Valais, de Fribourg, de Berne ou du Jura, l’héritage destiné à votre conjoint, mais aussi à vos enfants, sera exempté d’impôt. Moins généreux, Vaud ponctionnera une petite partie des montants légués à vos descendants à hauteur de 0,7% à 3,5%, voire plus selon la commune. Neuchâtel fera de même avec un taux fixe de 3%. Dans le cas où d’autres proches figurent sur votre testament, alors ils seront imposés, à partir d’une certaine somme, quel que soit votre canton de résidence.
«Ce qui interpelle, ce sont les différences de traitement non seulement en fonction des cantons, mais aussi du statut du partenariat, constate Me David Regamey, avocat spécialiste FSA en droit des successions à l’étude CBWM à Lausanne. Là où un conjoint ou un partenaire enregistré ne paiera aucun impôt sur l’héritage, un concubin favorisé par testament sera ponctionné jusqu’à 50% dans le canton de Vaud selon les communes, et jusqu’à 54,6% à Genève. Mais, à Neuchâtel, ils pourront échapper à l’impôt s’ils ont conclu un partenariat enregistré cantonal. On peut raisonnablement se demander en quoi de telles disparités sont justifiées.»
Tableau: taux d’imposition en fonction du canton de résidence du défunt et du lien de parenté
Dans les cantons de Vaud et Fribourg, les communes peuvent également prélever un supplément. Ce supplément peut s’élever à 70% du montant de l’impôt cantonal à Fribourg et à 100% de l’impôt cantonal dans le canton de Vaud. Des «centimes additionnels» sont prélevés dans le canton de Genève qui s’élèvent à 110% du taux fixé.
La tentation de changer de canton
Pour s’assurer de laisser un héritage libre d’impôt à ses proches, certains choisissent d’installer leur domicile fiscal dans un canton plus avantageux. Mais avant de prendre une résidence secondaire pour déposer vos papiers à Schwytz ou Obwald, sachez tout de même que cette solution se révèle souvent moins facile que certains l’imaginent. «Transférer son adresse de résidence dans un autre canton n’est qu’un indice de la constitution d’un nouveau domicile fiscal. Encore faut-il que la personne y déménage véritablement, ce qui n’est pas évident, surtout à un âge avancé. Les autorités fiscales peuvent contester la réalité du changement de domicile, obligeant ainsi le contribuable à le démontrer, preuves à l’appui», explique Me David Regamey.
D’autre part, les biens immobiliers restent soumis à l’imposition locale sur les successions. «Si vous êtes domicilié en Valais et possédez des immeubles dans le canton de Vaud, alors ces derniers seront essentiellement soumis au régime fiscal vaudois lors de la succession et seront par conséquent susceptibles d’être imposés s’ils passent à vos descendants ou à vos frères et sœurs», précise l’avocat.
Avance sur héritage
Éviter de transmettre l’ensemble de sa fortune d’un coup peut être un moyen de demeurer en dessous des seuils d’imposition. Les donations de sommes importantes sont elles aussi imposées, mais elles peuvent être planifiées et divisées en plusieurs tranches, à la différence de la succession qui sera transmise en un seul bloc après le décès.
Là aussi, ces transferts sont exempts d’impôt dans la plupart des cantons romands dès lors qu’ils sont destinés aux descendants du donateur, sauf à Neuchâtel et dans le canton de Vaud. «Si un résident vaudois donne une partie de sa fortune de son vivant à ses descendants par tranches de moins de 50’000 francs, il n’y aura aucun impôt à payer sur ces sommes dans un premier temps, confirme Me David Regamey. Mais attention! Au moment de la succession, la loi fiscale impose de prendre en compte les sommes transmises antérieurement sous forme de donations pour déterminer si la succession est imposable et à quel taux.»
Dans quel canton vaut-il mieux mourir?
Alors où vaut-il mieux mourir pour léguer une fortune intacte? D’abord, le lien qui unit le défunt avec le bénéficiaire est primordial: un conjoint ou partenaire enregistré ne paiera aucun impôt quelle que soit la somme transmise et le canton de résidence, tandis que les frères et sœurs paieront en général entre 5% et 25%. Les partenaires non enregistrés peuvent se voir retirer jusqu’à 54%.
Si vous avez des descendants, une part de l’héritage leur revient de droit, évitez donc les cantons de Vaud si les sommes s’élèvent à 250’000 CHF par héritier et de Neuchâtel si elles dépassent les 50’000 CHF par héritier. Si vous souhaitez laisser un héritage à vos frères et sœurs ou à des proches non parents (y compris votre partenaire non marié), méfiez-vous quel que soit votre canton de résidence, mais en particulier à Genève, où des taux très élevés dus aux centimes additionnels peuvent dépasser les 50%, même sur des sommes modestes (à partir de 500 CHF). Fribourg semble plus généreux au niveau cantonal, mais à l’instar des communes vaudoises, les communes fribourgeoises peuvent prélever un impôt communal sur les successions en sus de l’impôt cantonal. Il convient donc de bien se renseigner sur le règlement en vigueur dans sa commune de domicile.
Collaboration LargeNetwork