Il n’y a pas eu de déclic, pas de grande révélation ni de prise de conscience subite pour Céline Perret. Plutôt une évidence, doublée d’un indéfinissable ras-le-bol. Après dix ans de carrière, l’ex-animatrice radio de Rouge FM, alors chroniqueuse à L’Illustré, a tout simplement senti qu’il était temps de passer à autre chose. «J’ai essayé de me fondre dans un cadre professionnel classique et je m’en suis contentée une dizaine d’années, jusqu’au moment où j’ai été rattrapée par un besoin viscéral de liberté et d’expression de mon monde intérieur, sans contrainte éditoriale. Je ne regrette néanmoins rien de cette époque.»
Bonne nouvelle, ce ne sont pas les projets qui manquent au moment de franchir le pas. Passionnée depuis l’enfance par le style et le rythme de vie bohème, Céline Perret commence par fonder sa propre marque de bijoux bohèmes, Beboho, en 2014. Deux ans plus tard, elle lance son propre média, dédié à sa passion pour la vie bohème, un style vestimentaire mais aussi une manière d’appréhender le monde, avec «conscience, bienveillance et toujours avec la liberté en ligne de mire». Le succès vient vite et en 2019, la blogueuse et influenceuse - un terme qui ne lui plaît guère - ajoute un autre étage à la fusée en créant une nouvelle société, cette fois avec son mari Olivier: The BoHomes, dédiée à la création de décors et de scénographies bohèmes pour des événements publics ou privés, tels que des mariages, enterrements de vie de jeune fille, événements professionnels…
Le point commun de toutes ces activités ? Encore le style bohème. «À quelques exceptions près, je peux travailler n’importe où dans le monde», explique la jeune femme, qui partage aujourd’hui sa vie entre Los Angeles, où elle reste trois mois par an, ou des destinations plus proches comme l’Espagne, au gré des envies et des opportunités. «Nous avons passé trois mois en Andalousie en début d’année et nous y sommes retournés cet automne presque par hasard pour rendre service à des amis qui souhaitaient que quelqu’un garde leur maison quelques semaines.» Céline Perret ne s’interdit aucune destination, du moment qu’elle peut s’y sentir en sécurité et y trouver une connexion Internet correcte, indispensable pour conduire ses projets et maintenir le lien avec sa communauté.
Allergique à la routine
Plus courante et plus acceptée depuis le Covid, l’idée d’abandonner le monde du salariat pour choisir de travailler n’importe où sur la planète ne va pas encore de soi au milieu des années 2010. Et n’est pas si simple à concrétiser: «Le prix de cette liberté retrouvée, c’est parfois un peu moins d’argent. Mes revenus sont d’ailleurs toujours fluctuants. Certains mois sont fastes, d’autres moins… C’est le jeu de l’indépendance. À mes tout débuts, j’ai eu la chance de pouvoir compter en cas de coup dur sur mon mari, encore salarié à l’époque, mais j’ai finalement toujours réussi à me débrouiller et à payer mes factures. » Précieux, le soutien d’Olivier l’a aussi été sur le plan moral: «Nous sommes en couple depuis 17 ans, il me connaît bien et il sait que je renonce rarement à une idée fixe. Il m’a fait confiance dès le début parce qu’il sait que je peux remuer des montagnes pour atteindre l’objectif que je me suis fixé.» Un enthousiasme communicatif: en 2021, son mari a quitté son poste d’ingénieur informatique pour devenir indépendant à son tour.
À quoi ressemble le quotidien d’une digital nomad ? «Aucune de mes journées n’est identique à la précédente, explique la créatrice aux 23 000 abonnés sur Instagram. Je suis mes inspirations et j’écoute mon instinct. Je peux avoir envie d’écrire un matin, de faire de la vidéo ou de la photo le lendemain. Il y a aussi des jours où je ne suis bonne à rien… J’en profite pour m’accorder une pause, quitte à travailler le samedi ou le dimanche.» Au risque de perdre le contrôle de ses journées? «D’une certaine manière, je me laisse complètement déborder. Travail, loisirs, vie privée… Tout s’entremêle d’autant plus facilement que mon métier consiste à partager mes envies, mes passions et mon regard sur ce qui m’entoure. Je n’ai pas d’horaires, je peux travailler la nuit, le dimanche… Mais je fonctionne de cette manière depuis des années et je ne sais pas faire autrement. Tout le monde ne se retrouve pas dans cette manière de vivre, à commencer par mon mari qui apprécie d’avoir des horaires fixes. Olivier travaille en partie pour son ancienne société, de manière indépendante, et respecte donc des horaires plus classiques que les miens. En ce qui me concerne, je sais que ça va avec le mode de vie que j’ai choisi et ça n’est pas une souffrance, au contraire. C’est un équilibre différent et plus spontané, certes, mais un équilibre.» Au point que l’idée d’un retour au schéma classique ne soit même pas envisageable : «Je me suis autorisée la liberté et il n’y a pas de retour en arrière possible. Revenir à un schéma professionnel traditionnel me parait impensable, presque effrayant.»
Un mode de vie durable?
L’idée n’est de toute façon pas à l’ordre du jour : en un an, le couple n’a passé que cinq mois en Suisse. «À Los Angeles, j’ai mes amis, mes cafés, ma routine… Tout le plaisir consiste à alterner entre les petites habitudes et la découverte. Paradoxalement, nous sommes plutôt sédentaires une fois sur place.» Une manière aussi de répondre à des critiques récurrentes du mode de vie nomade, accusé de peser lourd sur l’environnement. Une petite musique qui agacerait presque la jeune femme. « Personne ne peut se vanter d’être parfaitement vertueux, moi la première. Mais pointer du doigt la manière nomade de vivre et de travailler revient à se tromper de colère. Par exemple, pendant que nous sommes au soleil, nous ne consommons pas de chauffage. Nous ne prenons presque plus la voiture. Nous faisons le maximum pour compenser. Nous ne prenons l’avion qu’une ou deux fois maximum par an. L’empreinte carbone des nomades est finalement rarement plus importante que celle d’un travailleur lambda qui prend sa voiture chaque jour pour aller au travail, chauffe sa maison à bloc et prend l’avion pour aller en vacances !» La liberté, oui, mais pas sans conscience.