A un an à peine, Giana a déjà été opérée trois fois. La fillette a une trachée molle et un œsophage non traversant et trop étroit, ce qui lui a valu d’être placée sous respirateur et nourrie artificiellement. Malgré tout, elle a pu rentrer à la maison, et ce en partie grâce au service d’aide et de soins à domicile pour enfants. Une de leurs collaboratrices est présente deux à quatre heures par jour pour s’occuper de la fillette, rapporte le «Spitex Magazin».
Environ 2600 enfants gravement malades comme Giana sont soignés par Spitex. L’assurance invalidité (AI) paie certains soins des enfants souffrant d’une infirmité congénitale, mais tous les frais ne sont pas couverts. Les associations d’aide et de soins à domicile se disputent depuis longtemps avec l’AI au sujet de l’indemnisation des soins. Aujourd’hui, elles en ont assez: elles ont donc résilié la convention tarifaire avec l’AI pour la fin de l’année.
30 francs pas couverts
L’AI ne couvre pas entièrement le coût des soignants et des soignantes, dénonce Spitex. «Le tarif actuel est de 114,96 francs par heure. Or, nous aurions besoin de 145 francs», explique Marianne Pfister, co-directrice de l’association faîtière Aide et soins à domicile Suisse. 30 francs ne sont donc pas couverts. Jusqu’à présent, les cantons et les communes prennent en charge cette différence, mais ces derniers n’y sont pas obligés, détaille-t-elle. L’association met en garde les cantons: si leurs services venaient à disparaître, «la Suisse aurait un grave problème de sécurité des soins pour les enfants gravement malades et mourants».
A la base du conflit, un désaccord sur les calculs. En effet, les associations d’aide et de soins à domicile doivent fournir à l’AI des données concernant les coûts des soins. Celles-ci sont collectées par le biais d’une entreprise d’audit indépendante. L’AI a accepté la méthode et son étendue, mais refuse les résultats, selon Marianne Pfister.
L’OFAS intervient
L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) est l’organe compétent en la matière. Ce dernier a décidé que les données fournies ne sont pas assez transparentes, et ne suffisent pas à expliquer les différences massives de coûts entre les différentes organisations d’aide et de soins à domicile.
Même si les discussions se poursuivent, le cœur n’y est pas. La raison: l’OFAS accuse les associations d’aide et soins à domicile de diffuser des fake news à la suite d’un communiqué de presse dans lequel elles annoncent que l’OFAS souhaite baisser le tarif à 107 francs.
L’information est fausse, fait savoir l’office: «L’AI n’a pas pour objectif de baisser le tarif en vigueur, mais de le maintenir.» L’OFAS se dit «déconcerté» par plusieurs fausses affirmations. Ainsi, l’AI ne serait, de fait, pas tenue de couvrir l’intégralité des coûts des soins.
Le financement reste assuré pour les soins des enfants
Interrogée à ce sujet, Marianne Pfister fait marche arrière. L’OFAS n’a en réalité que «suggéré» que le tarif devrait être abaissé sur la base de ces données. Quoi qu’il en soit, «le tarif actuel est trop bas. Il ne suffit pas de le maintenir. Les soins à domicile pour enfants ont besoin de plus d’argent.»
La co-directrice souligne que les associations d’aide et de soins à domicile ne veulent pas régler le litige sur le dos des enfants. Il faut au contraire former le public suffisamment tôt. «Nous discutons depuis un an de la base de données et non des tarifs. Il faut désormais trouver une solution.»
Que se passera-t-il si aucune solution n’est trouvée d’ici janvier 2024? L’OFAS déclare que le financement est assuré et qu’il n’y aura pas de répercussion pour les enfants. Même après la résiliation, la convention collective reste valable une année supplémentaire.
Les cantons se font discrets
Si aucune convention n’est conclue, le département de l’Intérieur peut prolonger la convention d’une année supplémentaire ou même fixer lui-même un tarif ultérieurement. Pour Marianne Pfister, ce n’est qu’à moitié vrai. «Ce qui est décisif, c’est de savoir si les cantons et les communes veulent continuer à payer la différence. Sinon, les organisations de soins à domicile pour enfants ne pourront plus financer leur travail.»
Qu’en pensent les cantons? La Conférence des directeurs de la santé (CDS) se fait discrète: «La CDS insistera pour qu’un nouveau contrat avec des tarifs couvrant les coûts puisse être conclu le plus rapidement possible.» Des tarifs différents selon les régions seraient également envisageables.