Si vous pouvez allumer votre four d'un orteil tout en restant couché dans votre lit, vous occupez sans doute un «micro-appartement», et probablement pas en Suisse. Les exemples du genre fleurissent dans les grandes villes du monde, de New-York à Paris en passant par Londres, où un espace de 7m² contenant lit/armoire/micro-ondes a été vendu pour 53'350 francs en février 2022.
À Zurich, des élus de gauche craignent de voir arriver sur le marché ce genre d'appartements à la limite de l'insalubrité. En effet, comme l'indiquait «20 minutes» le 11 janvier, une majorité de députés de droite a donné un premier soutien à une initiative parlementaire qui aimerait en finir avec la «taille réglementaire» des pièces. À l'heure actuelle, lorsqu'un nouveau logement est construit, une pièce doit faire au moins 10m² dans la plus grande ville de Suisse. À Genève, 9m² suffisent.
Avenir immobilier morose?
Pour les initiants, cela permettrait de faciliter la construction de logements en simplifiant le processus administratif. En revanche, pour la gauche, c'est la porte ouverte aux dérives. Christian Dandrès, conseiller national genevois socialiste et avocat des locataires, parle de «ségrégation sociale» dans les colonnes du quotidien. Seuls les riches pourront occuper des surfaces assez grandes, selon lui.
Les récentes hausses du taux hypothécaire de référence permettent par ailleurs aux bailleurs d'augmenter les loyers de 3% en Suisse. Et dans les grandes villes, le marché est déjà complètement saturé. Faut-il avoir peur de ces micro-apparts? Oui et non, estime Olivier Feller.
«Pas au niveau de Paris ou du Japon»
Le conseiller national vaudois libéral-radical (PLR) est aussi directeur de la Chambre vaudoise immobilière (CVI). La crainte de louer très cher un appartement avec de toutes petites pièces n'est pas fondée, selon lui. Premièrement, parce que la Suisse «n'est pas au niveau de Paris ou du Japon».
Les pièces borgnes ne peuvent par exemple pas être qualifiées de pièces à part entière. Et si Zurich devait s'aligner sur Genève, la situation ne serait pas catastrophique. «Je n'ai jamais entendu qu’il était inadmissible de qualifier un espace de 9m² de pièce», souligne Olivier Feller.
Logement disponible plutôt que bureau vide
Une solution que soutient Olivier Feller serait de pouvoir «beaucoup plus facilement transformer un local commercial en logement, même pour une phase de transition, plutôt que de ne rien en faire et de le laisser vide». Faciliter le processus, actuellement plutôt rigide, serait «très positif».
Autoriser les propriétaires à modifier des arcades commerciales en logements, «sous réserve du droit du bail», et à les re-transformer en bureau après, offrirait des solutions aux gens qui cherchent à se loger, plutôt que de laisser des espaces dénués de toute utilité pendant des années. Bien que vaudois, le politicien cite l'exemple genevois de la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR).
C'est elle qui régit notamment les changements d'affectation. «C'est très strict, mais on ne sait pas quelle sera la situation dans dix ans. Cela va peut-être devoir s'assouplir par défaut.»
Débat nécessaire, mais sans «État tout-puissant»
«La population n’est pas bête, ajoute l'élu à propos des mini-appartements. On indique toujours le nombre de pièces et la taille d'un logement au moment de louer, ou alors, on peut le demander. L'annonce d'un 5 pièces de 45 m² soulève des questions. Il ne faut pas sous-estimer les gens.» Cependant, le débat est nécessaire, estime le directeur de la CVI.
Les tout petits logements des mégalopoles internationales existent «parce qu'il n'y a pas assez d'offre par rapport à la demande». Un problème qui existe en Suisse et que thématise le conseiller fédéral Guy Parmelin lors de tables rondes.
Le conseiller national vaudois rappelle à Blick qu'en mars 2023, le sénateur socialiste Carlo Sommaruga avait demandé au Conseil fédéral, via un postulat, d'examiner «les avantages éventuels de limiter le nombre de mètres carrés habitables par personne, pour remédier à la pénurie de logement. J'en étais critique. À moins d'avoir envie d'un État tout-puissant, ça n'est pas une solution.»