Mercredi, l'homme du jour était Ignazio Cassis. Ce jeudi matin, il faut sortir du Palais et affronter la pluie pour le trouver. Il s'appelle Guillermo Fernandez et vient de Morlon, en Gruyère. Les journalistes, pour certains représentants des médias internationaux, font la file indienne. «Vous voulez la pancarte en allemand ou en français?», demande le père de trois enfants transformé en machine de communication. Il a même son propre logo épinglé à son bonnet.
«Je vais répondre à un million de questions aujourd'hui», souriait d'ailleurs le Fribourgeois quelques secondes auparavant. À 10h37, une heure et demie après le communiqué tant attendu du Parlement et devant la caméra de la RTS, il dégaine une banane et met un terme à son jeûne en direct. «Vous êtes prêts, c'est bon?»
Il transige également sur le plan nutritionnel qui lui avait été conseillé, avec du bouillon pour recommencer gentiment à s'alimenter. «Il y a deux jours, quelqu'un m'a offert cette banane en me disant être optimiste que je puisse la manger avant qu'elle ne devienne noire. Il avait raison, donc je la mange en son honneur.»
L'homme a beau avoir perdu 20 kilos depuis le 1er novembre, il a conservé le sens de la formule. Il est conscient que son aplomb et son charisme ont joué un rôle certain, au même titre que sa détermination, dans l'obtention de cette journée d'informations. Sur Twitter, il a déjà trouvé sa prochaine image: «J'ai été un premier domino», affirme-t-il.
Un tour de Suisse en préparation
Il l'annonce sans détour: il veut continuer ce qui est devenu son combat. A Blick, il révèle qu'il va entamer un tour de Suisse. Deviendra-t-il une forme de Greta Thunberg helvétique? Et surtout, ne risque-t-il pas de braquer les parlementaires en voulant continuer de dicter le rythme de la réaction politique au changement climatique?
Au Palais fédéral, Guillermo Fernandez a pu compter sur le soutien de trois femmes: les Romandes Céline Vara et Adèle Thorens et la nouvelle présidente du Conseil national, l'Argovienne Irène Kälin. Pas étonnant que le Gruérien dise que désormais, il ne votera plus que pour des femmes. «Les seules qui ont véritablement des c...», ose-t-il entre deux morses de banane.
«Gapany? Je ne vais pas la lâcher»
«La seule différence entre lui et moi, c’est que je me trouve de l’autre côté de la porte du Palais fédéral», expliquait Céline Vara au «Temps» en milieu de semaine. La sénatrice neuchâteloise estimait que tous les parents se reconnaissaient dans le combat du gréviste de la faim. Mais si les trois élues écologistes ont agi, c'est aussi — et surtout — pour sauver la vie de Guillermo Fernandez, extrêmement déterminé. Son entourage a expliqué au Blick que des dispositions avaient été prises pour empêcher toute intervention médicale, même en cas de défaillance physique.
Le Fribourgeois s'est attiré beaucoup de sympathie sur la Place fédérale, du Prix Nobel Jacques Dubochet aux élus de gauche. Même certains représentants de l'UDC lui ont apporté son soutien, explique Guillermo Fernandez, fier d'avoir pu rassembler presque tous les partis. «Du PLR, je n'ai rencontré que Johanna Gapany, mais celle-ci m'a dit que c'était par solidarité fribourgeoise, sourit l'habitant de Morlon. Mais je ne vais pas la lâcher!» C'est la certitude de la journée: les élus n'ont pas fini d'entendre parler du désormais ex-informaticien de 47 ans. L'incertitude: va-t-il irriter, notamment à droite?