La Suisse a gelé 7,5 milliards de francs suisses d’avoirs d’oligarques. C’est beaucoup trop peu, estime Scott Miller, ambassadeur américain à Berne. Depuis des semaines, l’Américain fait pression: la Suisse doit bloquer au moins 50, voire 100 milliards.
Début avril, Scott Miller a réuni ses collègues des pays du G7 autour de lui: les ambassadeurs de France, d’Italie, d’Allemagne, du Canada, du Japon, de Grande-Bretagne et des États-Unis ont écrit une lettre au président de la Confédération, Alain Berset. Leur exigence: la Suisse doit enfin adhérer à la taskforce multinationale REPO, le groupe de travail international sur les élites, les mandataires et les oligarques russes du G7.
Pas à l’ordre du jour
Dans ce pays, personne ne s’attendait à ce que le Conseil fédéral réagisse à cette lettre en adhérant immédiatement à ce groupe de travail. En effet, le Département de l’économie (DEFR) de Guy Parmelin a fait savoir peu après qu’il n’en était pas question.
Malgré tout, le conseiller fédéral UDC s’est fait taper sur les doigts. «Guy Parmelin a pris seul cette décision explosive», titrait CH Media lundi – ce qui embarrasse le DEFR. Mais le conseiller fédéral n’a rien décidé du tout, dit-on au sein du département. La Chancellerie lui aurait donné pour mission d’informer les ambassadeurs du G7 de la position officielle de la Suisse, qu’elle avait déjà défendue auparavant.
En fait, ce n’est pas Guy Parmelin, mais la cheffe du Secrétariat d’État à l’économie (Seco), Helene Budliger, qui a répondu aux ambassadeurs. À noter que le terme «répondre» est déjà trop fort, comme l’indique le département: Helene Budliger a simplement informé les ambassadeurs. Il est d’ailleurs tout à fait inhabituel que ces derniers formulent de telles demandes.
Ce sont les gouvernements qui sont responsables de la taskforce – et eux-mêmes n’ont pas émis de critiques. Lors des récentes rencontres entre les conseillers fédéraux et les ministres du G7, la taskforce n’a même pas été abordée. La rencontre de la secrétaire d’État Helene Budliger avec Scott Miller et le sous-secrétaire d’État américain Brian Nelson semble également s’être déroulée dans la bonne humeur.
«Le Conseil fédéral n’a pas pris de décision»
Le charivari autour de la question de savoir qui décide quoi en matière de gestion de l’argent des oligarques est révélateur: personne ne prend ses responsabilités – et surtout pas dans le cadre d’une séance du Conseil fédéral. Le gouvernement semble craindre les conséquences politiques. On préfère refiler la patate chaude aux autres. «Le Conseil fédéral n’a pas pris de décision concernant la taskforce REPO», déclare le porte-parole André Simonazzi à Blick.
Manifestement, le gouvernement veut simplement ignorer la pression de l’étranger. Il ne serait toutefois pas judicieux de se fier au fait que ce ne sont que quelques ambassadeurs malpolis qui se cachent derrière tout cela. Car ceux-ci n’ont pas agi de leur propre chef. «Nous nous coordonnons toujours avec Washington», déclare ainsi l’ambassade américaine déclare à Blick. La lettre adressée au Conseil fédéral a été discutée avec tous les gouvernements du G7, confirme une autre ambassade impliquée.