«Biais de conservatisme» chez tous les partis!
Vos parlementaires vous imaginent plus à droite que vous ne l'êtes vraiment

Les parlementaires connaissent-ils vraiment l'orientation politique leur électorat? Non, selon une large étude co-signée par des politologues de l'Université de Genève. Les politiques se trompent une fois sur trois sur l'avis de leur base et l'imaginent trop à droite.
Publié: 10.09.2023 à 10:35 heures
L'étude se base sur un échantillon de parlementaires fédéraux, mais aussi genevois et bernois.
Photo: keystone-sda.ch
Thibaud Mabut

Vos élus vous pensent plus à droite que vous ne l'êtes... quelle que soit votre orientation partisane! Ce «biais de conservatisme» avait déjà été décelé aux Etats-Unis, mais des scientifiques ont pu l'identifier dans quatre autres pays, dont la Suisse.

Leurs résultats se basent sur une large étude co-réalisée par l'Université de Genève et relayée par la «Tribune de Genève». L'étude a donné lieu à plusieurs articles scientifiques dont le dernier a été publié en juin dans la prestigieuse revue American Political Science Review.

Résultat «surprenant, voire alarmant»

Pas moins de 368 parlementaires helvétiques ont été interviewés, au Parlement fédéral, mais aussi aux Grands conseils genevois et bernois. L'équipe de Luzia Helfer et Frederic Varone – qui signent l'étude du côté de Genève – ont ensuite comparé les réponses des politiques avec l'orientation de leur propre électorat.

Résultat «surprenant, voire alarmant» selon Frederic Varone: les politiciennes et politiciens se trompent fréquemment sur les préférences de leur base. Quasiment une fois sur trois, les parlementaires ne parviennent pas à situer correctement la position de la majorité de leur électorat sur une question donnée.

Conservatisme économique particulièrement surestimé

C'est un des fondements de la démocratie représentative qui vacille. Les personnes que nous élisons pour fidèlement représenter nos avis sont bien souvent à côté de la plaque. On pourrait se rassurer en postulant que l'effet s'annule, puisqu'il est présent chez l'ensemble des politiques. Or, leur méconnaissance n'est pas aléatoire.

Comme aux Etats-Unis, le législateur suisse surestime systématiquement le conservatisme de la population – et de son propre électorat. C'est particulièrement le cas sur les enjeux économiques comme l'imposition, mais aussi sur l'immigration, les retraites ou des questions culturelles. Les parlementaires de gauche comme de droite pensent donc que leur base est plus à droite qu'elle ne l'est vraiment.

Démocratie directe à la rescousse

Lueur d'espoir: les politologues constatent que notre démocratie directe vient en aide à notre système représentatif qui bat de l'aile. En effet, les votations réduisent la méconnaissance des parlementaires sur l'orientation de leur électorat.

En outre, plus un vote est serré, plus les politiques parviennent à corriger leur mauvaise estimation des préférences de leur base. La démocratie directe est ainsi une source d'informations précieuse pour le législateur. On peut donc se réjouir de chaque initiative et autre référendum!


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