«Un déficit de quatre millions de francs en 2022... c'est notre meilleur résultat depuis 2015», déclare Marc Devaud, directeur de l'Hôpital cantonal de Fribourg. Le groupe hospitalier jongle, depuis quelques années, entre le maintien de ses finances et les contraintes des politiques de santé auxquelles les hôpitaux sont soumis.
Marc Devaud reçoit Blick en compagnie de la présidente du conseil d'administration Annamaria Müller. Le Romand et la Suisse alémanique sont les plus hauts responsables du groupe hospitalier HFR, qui comprend les différents sites de l'hôpital.
Mais revenons aux pertes. Pour 2023, le tableau est déjà nettement moins rose. Le déficit budgétaire est de 28 millions de francs. La même menace se présente également pour 2024. La tempête financière s'est abattue sur l'HFR: «En comparaison avec d'autres hôpitaux, notre situation est nettement moins bonne», déclare Annamaria Müller.
Le canton a son mot à dire
L'hôpital essaie pourtant de faire les choses correctement. Le groupe concentre les prestations hospitalières aiguës et les interventions à l'Hôpital cantonal de Fribourg. L'offre est quant à elle réduite sur les sites de Meyriez-Murten, Riaz et Tafers. Il s'agit surtout de centres de santé. Les services d'urgence en dehors du site principal ont déjà été fermés et remplacés par des permanences. Un centre d'urgence pour environ 300'000 habitants dans un canton de taille moyenne devrait normalement suffire.
Pourtant, le groupe hospitalier ne parvient pas à s'en sortir. Les coûts augmentent sans qu'un seul patient supplémentaire n'ait été traité. Un exemple: le personnel est soumis à l'ordonnance cantonale sur les salaires et bénéficie d'une généreuse compensation du renchérissement. «Rien que pour cela, nous avons dû dépenser 13 millions de francs supplémentaires l'année dernière, explique Marc Devaud. Nous essayons de travailler le plus efficacement possible, mais avec des dispositions imposées de l'extérieur, cela devient difficile.»
Il n'est pas question pour l'hôpital de mener une politique salariale autonome, car l'HFR est une SA de droit public. «Lorsque nous avons voulu changer cela en 2018 pour avoir plus de liberté entrepreneuriale, le personnel s'est mis en grève», explique le directeur de l'hôpital.
Des coûts supplémentaires dus à l'informatique
A la hausse des salaires s'ajoutent le renchérissement et un problème avec l'informatique. «L'informatique du canton ne veut plus être responsable pour nous, explique Marc Devaud. La collaboration avec l'hôpital était trop compliquée pour eux.»
Mais un problème persiste: dans un hôpital, le logiciel ne peut pas simplement être mis à jour durant la nuit, comme dans la plupart des entreprises. L'établissement fonctionne 24 heures sur 24, même la nuit, les patients doivent être pris en charge, les urgences traitées. La conséquence est importante: l'HFR doit désormais chercher un prestataire de services privé.
«Cela nous coûte au total six millions de francs», estime Marc Devaud. «C'est un gros investissement pour nous.»
Craintes au sein de la population
Le bilan du directeur est désabusé: «Chaque fois que nous pensons avoir remis la tête hors de l'eau, un nouveau défi se présente à nous.» Les trous dans les comptes de l'hôpital se creuse, la dette envers le canton, qui paie année après année le déficit, continue d'augmenter. «Nous sommes dans une situation compliquée, déclare-t-il. Nous essayons de travailler aussi efficacement que possible, mais en même temps, nous avons les mains liées par les nombreuses directives.»
Annamaria Müller ajoute: «Comment pouvons-nous travailler de manière plus entrepreneuriale si, à chaque changement, la peur d'une vague de privatisations ou de licenciements se fait sentir?» Selon elle, on doit tenir compte de beaucoup plus de choses dans le canton de Fribourg que dans d'autres cantons.
Cela se voit dans la planification d'urgence. L'HFR a dû rapidement enterrer le projet de rouvrir le service des urgences à Tavel après le Covid-19, et pas seulement pour des raisons d'économies. «Malgré de longues recherches, nous n'avons pas trouvé le personnel nécessaire», explique la présidente.
Aucun médecin-chef ne voulait travailler sur un petit site avec uniquement quelques cas d'urgence. «Et on ne peut pas gérer les urgences 24 heures sur 24 avec seulement des médecins assistants.» Au moyen d'une initiative populaire, la réouverture de tous les sites d'urgence doit être imposée.
Avertissement du directeur
La direction de l'hôpital doit maintenant se justifier auprès de la population quant à leur décision de ne maintenir les urgences que sur le site principal. Elle demandera au peuple, lors d'un week-end de votation de l'année prochaine, jusqu'à 185 millions supplémentaires pour garantir les investissements nécessaires à l'exploitation courante et pour faire avancer la planification d'un centre hospitalier moderne sur le site principal. Une tâche qui s'apparente à la quadrature du cercle.
«La population a de plus en plus de mal à comprendre notre système de santé», déclare le directeur Marc Devaud. Il met en garde: «L'ensemble du système de santé risque de se heurter à un mur.»