Pourquoi les pays voisins ne réagissent-ils pas?
L'économie européenne souffre et les Arabes se contentent de regarder

Depuis novembre, les Houthis attaquent les porte-conteneurs dans le Golfe d'Aden. Le blocus mis en place nuit à l'économie mondiale. Pourtant, des pays comme l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ne se défendent pas contre les rebelles. Mais pourquoi?
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Cet Eurofighter de type Typhoon revient sur l'aérodrome de Chypre après avoir attaqué une base militaire des milices huthi au Yémen. Les frappes aériennes ont été menées par l'alliance militaire, principalement occidentale, au cours du week-end.
Photo: keystone-sda.ch
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Myrte Müller

Ce sont des scènes impressionnantes, filmées par les bodycams des assaillants. Un hélicoptère de combat se dirige vers un cargo. Des guerriers lourdement armés et cagoulés descendent en rappel sur le pont du transporteur, pénètrent sur la passerelle du navire et prennent en otage l'équipage. Mais quel est l'objectif des rebelles Houthis avec leurs attaques en mer Rouge?

La capture du Galaxy Leader le 14 novembre 2023 trace une nouvelle ligne de front dans le conflit du Proche-Orient, à 2000 kilomètres d'Israël. Depuis, les porte-conteneurs internationaux qui passent par le golfe d'Aden sont régulièrement attaqués par des missiles et des drones. La mission officielle des rebelles pro-iraniens Houthis est simple: générer un blocus maritime pour imposer un cessez-le-feu à Gaza.

«Diviser politiquement la région»

Le nouveau champ de bataille est la mer Rouge, mais l'adversaire n'est plus seulement l'armée israélienne. C'est l'économie mondiale qui est dans le collimateur des rebelles yéménites.

Les attaques contre les cargos sont davantage qu'une simple déclaration de solidarité avec les Palestiniens, «elles servent à diviser politiquement la région», explique l'expert en sécurité maritime Moritz Brake dans une interview accordée à Blick.

Les Houthis se considèrent comme faisant partie de l'«axe de la résistance» dirigé par l'Iran, dont font également partie le Hezbollah et les brigades iraniennes Al-Quds en Syrie et en Irak. «Il s'agit d'enfoncer un coin dans le processus de paix au Proche-Orient», poursuit l'ex-officier de la marine allemande. Le silence du monde arabe montre que cela fonctionne.

Nouveau parcours pour les navires

12% du commerce mondial passe par le canal de Suez. Ceux qui s'aventurent encore aujourd'hui dans le détroit sont flanqués de frégates américaines, britanniques et françaises équipées de défenses antiaériennes. «On y tire sur des drones à 2000 dollars avec des missiles qui coûtent un million de dollars», poursuit Moritz Brake.

La terreur des Houthis fait son effet. La plupart des compagnies maritimes de conteneurs et des compagnies pétrolières envoient désormais leurs navires d'Extrême-Orient vers l'Europe via le Cap Bonne-Espérance en Afrique du Sud. Le transport via le Golfe d'Aden s'est effondré à 70%, rapporte l'Institut pour l'économie mondiale (IfW) de Kiel.

Les nouveaux détours de deux à trois semaines perturbent fortement les chaînes d'approvisionnement. Les chaînes de montage des usines comme celles de Tesla et Volvo sont actuellement à l'arrêt. Le Qatar a suspendu ses livraisons de gaz liquide vers l'Europe jusqu'à nouvel ordre. Parallèlement, les prix des produits importés augmentent. Une situation douloureuse et coûteuse pour les pays arabes riverains, notamment l'Egypte et l'Arabie saoudite. Pourtant, à l'exception du Bahreïn, personne dans le monde arabe ne semble vouloir arrêter les Houthis.

C'est la nouvelle alliance militaire à laquelle les Etats-Unis ont appelé en décembre qui s'en charge. Presque tous les partenaires occidentaux participent à l'opération «Prosperity Guardian»: outre la Grande-Bretagne et la France, l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud, l'Italie, l'Espagne, la Norvège, la Grèce, les Pays-Bas et les Seychelles. Bahreïn est le seul pays arabe à participer. Et c'est ainsi que le week-end dernier, pour la première fois, des missiles aériens et de croisière ont été lancés sur 17 bases militaires des Houthis au Yémen. Lancés depuis des avions, des navires et des sous-marins américains et britanniques.

«L'Arabie saoudite ne veut pas miser sur le mauvais cheval»

Les réactions du monde arabe sont hostiles. L'Arabie saoudite sunnite, qui a elle-même combattu pendant des années les rebelles chiites Houthis au Yémen, s'est montrée inquiète après les attaques. Le royaume craint pour le fragile cessez-le-feu au Yémen et pour la stabilité dans la région.

Oman, la Jordanie, les Emirats arabes unis, l'Irak, le Qatar et le Koweït ont également exprimé leur inquiétude face à une escalade. Ils soufflent dans la même trompette que Moscou et Téhéran. Entre-temps, personne ne condamne les attaques des Houthis.

Aucun de ces pays ne veut apparaître comme un soutien d'Israël, explique l'expert en sécurité Moritz Brake, «nous sous-estimons à quel point l'Occident a perdu en puissance et en confiance dans cette région. Des pays comme l'Arabie saoudite ont aussi en vue la Chine, la Russie, l'Inde, les pays des BRICS. Ces dernières années, l'Arabie saoudite ne s'est pas seulement rapprochée d'Israël, mais aussi de l'Iran, qui est soutenu par la Chine.»

Les jeunes dirigeants voulaient se développer sur le plan économique mondial et ne pas miser sur le mauvais cheval. C'est pourquoi ils se sont abstenus de conclure des alliances avec l'Occident.

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