La Turquie avait le choix. Le choix de prendre un nouveau départ avec Kemal Kiliçdaroglu, ou de valider le régime dirigé d'une main de fer par Recep Tayyip Erdogan. Le pays a choisi la deuxième option.
Pourtant, l'opposition turque avait toutes les cartes en main pour faire tomber le «système Erdogan». Cette occasion ne s'était pas présentée depuis des années. Six partis s'étaient mis d'accord sur un vaste programme de réformes et sur un candidat commun à la présidence.
Autre coup de pouce à l'opposition: l'économie. La Turquie est frappée depuis plusieurs années par l'inflation. L'an passé, elle a dépassé 86%. Sans compter deux tremblements de terre ayant transformé en gravats une région de la taille de la Bulgarie et tué 50'000 personnes. Tout cela provoqué par des méthodes de construction bâclées, la corruption et une mauvaise gestion de la catastrophe.
Erdogan a fait beaucoup d'erreurs... mais reste président
Tout cela n'a toutefois pas suffi à faire tomber Erdogan. Le président sortant a obtenu 52,14% des voix, contre 47,86% pour son opposant Kiliçdaroglu. L'homme fort de Turquie depuis deux décennies restera donc au pouvoir au moins cinq ans de plus.
L'expression «au moins» prend ici tout son sens. Car pendant son discours de victoire, Erdogan a lancé à l'assistance: «Nous ne serons pas seulement ensemble jusqu'à dimanche, mais jusque dans la tombe.»
Et constitutionnellement, c'est tout à fait possible. Selon les modifications qu'Erdogan a fait adopter en 2017, un président peut en effet se présenter une troisième fois si le Parlement convoque de nouvelles élections avant la fin de son mandat.
Comme la coalition d'Erdogan s'est assurée 323 sièges sur 600 lors de ces élections, il pourrait ainsi s'assurer sans problème un nouveau mandat – et rester au pouvoir jusque dans les années 2030.
Dorénavant, la Turquie regarde vers l'Est
Dimanche, les Turcs avaient le choix entre un président sortant autoritaire et un challenger social-démocrate. Le fait qu'ils aient finalement opté pour Erdogan en dit long sur l'état d'esprit du pays et sur la situation de la Turquie en 2023.
De son côté, l'Occident rit jaune. Alors que Bruxelles et Washington espéraient secrètement la victoire de Kemal Kiliçdaroglu, ils doivent désormais s'arranger avec Erdogan pour au moins cinq années supplémentaires. Cela risque d'être difficile. Pourtant, l'Europe devra entretenir une amitié forcée avec la Turquie. Car le pays est devenu un acteur important, notamment en ce qui concerne l'OTAN, les réfugiés et la guerre en Ukraine.
Enfin, si le second tour des élections était vraiment un référendum sur Erdogan, alors la Turquie s'est clairement prononcée contre l'Europe dimanche. Le pays regarde dorénavant vers l'Est, et non vers l'Ouest.