Des tirs nourris et des explosions résonnaient non loin du Palais de justice, devant lequel s'étaient massés des centaines de manifestants vêtus de noir, alors que des correspondants de l'AFP ont vu des hommes portant des armes légères ou moyennes.
Des ambulances, sirènes hurlantes, affluaient pour évacuer les victimes dans les rues désertées, les habitants s'étant réfugiés dans leurs appartements et revivant des scènes de guerre qu'ils pensaient oubliées. Sur les réseaux sociaux, des images montraient des écoliers d'un établissement du secteur se cachant sous leurs bureaux ou rassemblés par terre devant les salles de classe.
Chars déployés
Les chars de l'armée se sont déployés dans le quartier, en bouclant les accès, et la troupe a prévenu qu'elle tirerait à bout portant sur toute personne qui ouvrirait le feu. Le Hezbollah et le mouvement Amal avaient appelé à la manifestation pour exiger le remplacement du juge Tareq Bitar, qui est déterminé à interroger de hauts responsables dont deux ex-ministres d'Amal.
Dans un communiqué commun, les deux mouvements chiites ont accusé des «francs-tireurs postés sur les toits des immeubles» du secteur d'avoir tiré sur les manifestants. La séquence des événements qui a mené à l'embrasement reste cependant confuse.
Le ministre de l'Intérieur Bassam Mawlawi a fait état de six morts. Parmi les victimes figurent un homme tué par une balle à la tête, un deuxième atteint à la poitrine et une femme de 24 ans a été tuée par une balle perdue alors qu'elle se trouvait chez elle, selon des sources médicales. Selon la Croix-Rouge libanaise, 30 personnes ont été blessées.
Le ministre a lancé un appel à «préserver la paix civile», soulignant que «des francs-tireurs» étaient à l'origine des tirs puisque des victimes ont été atteintes à la tête selon lui.
Le Premier ministre Nagib Mikati a appelé au retour au calme et mis en garde contre les tentatives d'entraîner le Liban dans un cycle de violence.
Déstabilisation?
«Le fait que le Hezbollah descende dans la rue et jette tout son poids dans cette bataille (..) pourrait mener à d'importants affrontements et à la déstabilisation du pays tout entier», a déclaré à l'AFP l'analyste politique Karim Bitar.
La manifestation s'est déroulée à l'endroit même où se regroupent régulièrement les proches des victimes de l'explosion pour demander que l'enquête aboutisse.
L'explosion survenue le 4 août 2020 et causée par le stockage sans mesures de précaution d'énormes quantités de nitrate d'ammonium a fait au moins 214 morts, plus de 6500 blessés et dévasté plusieurs quartiers de la capitale.
La Russie entre en jeu
La Russie a appelé vendredi les forces politiques au Liban à «faire preuve de retenue» afin que la situation ne se «détériore pas davantage» après les combats de rue et violences ayant fait six morts à Beyrouth.
«Nous appelons tous les politiques libanais à faire preuve de retenue et de prudence et à recommencer à travailler ensemble de manière constructive pour résoudre les problèmes», a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
Se disant «extrêmement préoccupé par la tension politique croissante au Liban», Moscou a appelé à régler la crise «sur la base du respect et mutuel, sans interférence extérieure».
«Nous sommes convaincus que le gouvernement (de Najib) Mikati, qui s'est battu avec acharnement, saura relever ce dangereux défi et ne permettra pas à la situation du pays de se détériorer davantage», a-t-il ajouté.
(ATS)