Malik Khalfi
«J’ai planté deux entreprises en trois ans avant de réussir»

Fondée en 2014, la société Be-Cash a développé une solution dans le secteur des terminaux de paiement qui a su s’imposer sur le marché suisse. Son fondateur, Malik Khalfi, a pourtant dû faire face à plusieurs échecs avant de rencontrer enfin le succès économique.
Publié: 01.11.2022 à 06:17 heures
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La société Be-Cash offre des solutions pour l'installation de terminaux de paiement.
Carole Berset

«En tant qu’employé déjà, ma fibre entrepreneuriale m’amenait souvent à imaginer des manières d’améliorer le statu quo. Lorsque je me suis lancé avec ma première start-up Breakfee, j’ai toutefois vite compris qu’un excellent concept en théorie ne fonctionnait pas nécessairement dans la pratique.»

À 44 ans, Malik Khalfi est à la tête de l’entreprise vaudoise Be-Cash depuis 2014. Proposant des terminaux de paiement à des prix défiant toute concurrence, et une offre disponible en ligne mais aussi physiquement dans des bureaux à Lausanne et Genève, la société a su prendre le marché suisse à contrecourant afin de se distinguer, et n’a cessé de croître depuis sa fondation. Constituée d’abord de deux associés, elle emploie aujourd’hui 12 personnes et compte plus de 10'000 clients en Suisse.

Ce succès, le Genevois le doit aussi aux enseignements qu’il a su tirer de ses déconvenues passées, au travers de deux entreprises aujourd’hui disparues: «Un entrepreneur commet des erreurs tous les jours. La règle d’or, c’est de ne jamais faire la même deux fois. Les difficultés que j’ai rencontrées avec Breakfee m’ont par exemple appris que la trésorerie constituait la colonne vertébrale d’une PME. Je n’ai plus jamais négligé cet aspect, et ceci m’a permis de n’avoir aucun souci à ce niveau-là durant la crise du Covid-19.»

Capacité de résilience

Optimiser les frais bancaires, c’est l’ambition que s’était fixée Breakfee lors de sa création en 2009. Si l’idée séduit de nombreux clients, elle se heurte cependant à certains biais psychologiques, qui veulent que l’être humain se méfie de la qualité d’un produit vendu trop peu cher, analyse le fondateur.

Deux ans plus tard, alors que Malik Khalfi doit mettre la clef sous la porte, un ami lui propose de s’associer pour gérer une nouvelle entreprise. Ensemble, ils co-fondent la première franchise Adidas en Suisse. Élue «plus beau magasin d’Europe» par la maison mère, l’arcade souffre pourtant très rapidement des divergences d’opinion et de gestion entre les deux associés. Un an plus tard, cette différence d’approche sera fatale à la jeune entreprise.

L’entrepreneur a-t-il pour autant hésité à se relancer dans une nouvelle aventure? «Pas une seconde! Outre le fait qu’il me fallait trouver une source de revenu pour vivre, je considère l’échec comme une invitation à réfléchir à ce qui n’a pas marché pour faire mieux la prochaine fois, jamais comme une fin en soi. Pour moi, il s’agit d’une dynamique de mouvement plutôt que d’un arrêt définitif. Ce qui fait la différence, c’est le temps que l’on met à rebondir, et j’essaie de ne rester au sol que dix secondes, pas plus.»

Flexibilité et endurance à toute épreuve

En 2012, grâce aux expériences acquises sur le terrain avec Breakfee et la franchise Adidas, le Genevois décide de fonder – en solo – une société de conseil aux microentreprises: M3K. La même année, il rencontre, au travers de sa nouvelle activité, celui qui deviendra son futur associé pour démarrer Be-Cash. Au départ, le projet consiste à créer des bancomats de proximité afin de pallier le nombre restreint de machines disponibles par habitant en Suisse.

Mais là encore, rien ne se passe comme prévu: «J’ai contacté 42 banques qui ont toutes refusé de prendre le risque de monter un projet pilote», se souvient Malik Khalfi. Loin de se laisser décourager, l’entrepreneur décide d’approcher la banque myPOS, avec laquelle il collabore toujours aujourd’hui. Basée au sein de l’Union Européenne, celle-ci accordera six mois aux deux associés pour tester leur solution. Des problèmes de liquidités et des délais de certifications trop longs les rattrapent pourtant bientôt.

L’entrepreneur pressent alors qu’il vaut mieux changer de cap, plutôt que de s’entêter dans une voie sans issue. «Le premier business comporte une charge émotionnelle très forte, qui retient souvent un jeune entrepreneur de renoncer à son idée, malgré les signes avant-coureurs d’un potentiel échec. En ce sens, je crois que les deux revers que j’avais essuyés au cours des années précédentes m’ont permis de lâcher prise pour envisager une autre solution.»

Après avoir repéré les terminaux de paiement au sein de la banque myPOS, Malik Khalfi obtient la permission de commercialiser le concept en Suisse. Il choisit de réorienter Be-Cash vers cette nouvelle activité. Une décision qui impliquera une séparation de son associé… et un engagement inébranlable qui le mènera enfin au succès économique. «Planter deux entreprises en trois ans m’a donné la force de m’accrocher d’autant plus. Je me suis remis à travailler 16 à 20 heures par jour pour mettre toutes les chances de mon côté, en ayant conscience qu’il me faudrait au moins deux à trois ans pour atteindre un point de rentabilité.»

Retours d’expérience

Le Genevois reconnaît l’importance qu’a joué l’association EO Switzerland dans la concrétisation du projet Be-Cash. Sur le conseil d’un ami, Malik Khalfi rejoint un programme appelé «EO Accelerator», qui réunit des chefs d’entreprises générant un chiffre d’affaires entre CHF 250'000.- et CHF 1 million ainsi qu’un mentor.

«Je me suis retrouvé avec des entrepreneurs qui avaient fait face aux mêmes problématiques que moi et qui s’en étaient sortis! Au lieu de me donner des conseils et de me dire ce que je devrais faire, ils m’expliquaient au contraire comment ils avaient agi. Ces retours d’expérience m’ont aidé à prendre les bonnes décisions. Sans eux, Be-Cash n’aurait peut-être jamais vu le jour.»

Le programme lui a aussi permis d’identifier un perfectionnisme parfois tyrannique et contreproductif. «J’ai appris à rechercher l’excellence, qui laisse place à une marge de progression plutôt que la perfection, qui n’accepte aucune imperfection.»

Huit ans après les débuts de Be-Cash, l’entrepreneur se méfie cependant toujours de la notion de succès. «J’assimile le succès à une sorte de satisfaction qui ne demanderait plus aucune amélioration. Or, je considère qu’il est toujours possible de faire mieux. Aujourd’hui, j’ai tout de même appris à célébrer les étapes importantes.»

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